De la Jordanie à la Guinée, mise en valeur des résultats des plans sectoriels d’éducation

21 Février 2021

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L'école Telimele à Conakry, en Guinée.

Au-delà des enseignants dans leur salle de classe, des repas à la cantine, des bus scolaires et, de plus en plus, des cours en ligne, il y a des plans et des politiques éducatives. C'est là, dans les coulisses, que l'IIPE-UNESCO agit pour soutenir les États dans leur planification et leur gestion de l'éducation. De la création d'une vision à la définition d'objectifs réalisables, ce soutien renforce les capacités des acteur·trice·s de l'éducation nationale à être moteur de changement et à favoriser des systèmes éducatifs équitables et de qualité pour toutes et tous. En Jordanie, cela a permis un leadership renforcé pendant la crise de la COVID-19, et en Guinée, de plaider en faveur d'une augmentation majeure des dépenses nationales pour l'éducation. 

Les résultats sont un aspect important de la planification de l'éducation : comment un plan améliore-t-il les résultats d'apprentissage ? Comment traite-t-il des inégalités ? Pour l’IIPE, les résultats sont également importants: ils révèlent comment le travail de l'Institut contribue au développement des capacités des ministères de l'Éducation, et permet à leurs départements de la planification de mieux gérer les systèmes éducatifs. C'est pourquoi l'IIPE a récemment initié un travail de récolte des incidences
(« outcome harvesting ») en lien avec ses activités de coopération technique.

Une meilleure évaluation, de meilleurs résultats

La récolte des incidences permet de recueillir des preuves de changement – comme une nouvelle politique ou des pratiques professionnelles – puis d’analyser et d’évaluer le processus qui a conduit à ce changement. « C'est une méthode d'évaluation rigoureuse qui s'est généralisée ces dernières années », explique Anna Haas, Spécialiste de programme à l'IIPE. « Nous formons et encadrons le personnel des ministères afin qu'il puisse mieux accomplir son travail. Mais nous, à l'IIPE, devons savoir dans quelle mesure nous effectuons bien notre travail, afin de pouvoir adapter et faire évoluer notre offre. »  

Anna Haas a dirigé la collecte de résultats en Jordanie et en Guinée. « Nous avons parlé aux personnes qui connaissaient le mieux le soutien apporté par l'IIPE et leur avons demandé d'identifier ce qui a changé suite à l'élaboration d'un plan sectoriel par leur ministère, ainsi que l'impact que cela a eu sur les pratiques de planification. » Chaque résultat a ensuite été vérifié par deux personnes – des « vérificateurs » – dont un haut fonctionnaire du gouvernement et un partenaire de développement. 

Des capacités de planification renforcées en Jordanie 

En Jordanie, l'exercice a permis de récolter vingt-trois résultats. Une partie d'entre eux ont mis en évidence un renforcement de la coordination au sein du secteur de l'éducation. Par exemple, les membres du Groupe de travail du secteur de l’éducation ont utilisé le plan sectoriel comme document de référence pour la création d’un plan d'urgence pour faire face à la COVID-19. Selon Anna Haas, il n'est pas très fréquent de voir une telle diversité de personnes se réunir autour du plan sectoriel. « Les entretiens avec les responsables du ministère ont fait ressortir son pouvoir rassembleur; le plan d'urgence jordanien n'est par conséquent pas un document autonome ; il s’aligne sur les buts et les objectifs à long terme du pays. » 

Le leadership et la capacité du ministère à suivre les performances du secteur ont également été renforcés depuis le lancement du plan sectoriel en 2018. Par exemple, le ministère procède désormais à un examen annuel conjoint du plan afin de suivre les progrès réalisés, et l'équipe à l'origine du Système d'information pour la gestion de l'éducation (SIGE) a créé un nouveau tableau de bord comportant 40 indicateurs. 

« Le tableau de bord est un bond en avant pour le ministère, car pour la première fois nous sommes en mesure de mettre toutes les données sur un même support. Il est disponible en ligne et peut être consulté par tou·te·s les décideur·euse·s à différents niveaux du système éducatif. »

Un haut fonctionnaire du ministère jordanien de l’Éducation

Les fonctionnaires du ministère ont également fait état d'une plus grande légitimité pour agir et diriger le secteur. « Cela a un lien direct avec l'approche participative de l'IIPE en matière de planification, qui encourage l'appropriation nationale du processus », a déclaré Anna Haas. Dans une interview, un fonctionnaire a déclaré que, pour la première fois, le ministère a lui-même conçu le plan sectoriel au lieu de faire appel à des consultant·e·s externes, ce qui a permis de poser de bonnes bases et augure d'une meilleure mise en œuvre du plan. 

 « La façon dont l'équipe de l’IIPE-UNESCO a travaillé avec nous au sein du ministère était nouvelle pour nous. Une grande partie du ministère a été impliquée, environ 50 personnes. En conséquence, le plan est dorénavant défendu par du personnel de l’ensemble des gouvernorats. »

Un haut fonctionnaire du ministère en Jordanie 

Plaidoyer pour l'éducation : tout commence par un plan

La collecte des résultats a également été effectuée en Guinée. L’évaluation s'est penchée avant tout sur le soutien de l'IIPE au Programme décennal de l’éducation 2020-2029. Bien que le nombre de résultats ait été moindre – neuf au total – ils ont mis en évidence des changements au niveau institutionnel. Par exemple, un nouveau règlement a permis de définir les responsabilités des unités ministérielles impliquées dans la planification. 

« L'appui technique fourni par l'IIPE pour l'analyse sectorielle – et en particulier l'analyse institutionnelle – a permis de clarifier les responsabilités dans le processus de planification, a expliqué Anna Haas. Plusieurs personnes interrogées ont déclaré que ce changement important a été rendu possible grâce à la facilitation, par l'IIPE, des discussions avec les principales parties prenantes. »

Une autre étape clé qui s'est dégagée de l’évaluation menée en Guinée a été l'engagement du gouvernement à augmenter, à l’avenir, le budget de l'éducation. En juillet 2020, le Premier ministre de la Guinée a annoncé une hausse de 20 % des allocations budgétaires pour 2021 dans le secteur de l'éducation, avec une mention explicite de l'enseignement et de la formation techniques et professionnels (EFTP) comme priorité nationale. Cette annonce est intervenue après que trois des ministères du secteur de l'éducation et leurs partenaires de développement aient plaidé auprès du Premier ministre et des ministères des Finances pour une plus grande mobilisation des ressources nationales en faveur de l'éducation. Leur principal argument : l'éducation dispose désormais d'un plan sectoriel unifié et, pour atteindre ses objectifs ambitieux, une plus grande allocation du budget national est primordiale.  

Pour aller de l'avant 

La collecte des résultats a mis en évidence deux éléments importants du soutien de l'IIPE aux États membres de l’UNESCO. Premièrement, la fonction initiale du plan sectoriel n'est pas de mobiliser des ressources extérieures. Il s'agit plutôt de promouvoir des améliorations internes au fonctionnement d'un ministère – en ce sens, il s'agit de développer des capacités durables afin que les pays puissent mieux planifier et gérer leurs systèmes éducatifs. 

Deuxièmement, l'approche participative de l'IIPE est un atout important qui doit non seulement être encouragé, mais faire partie intégrante de chaque intervention. Comme l'a signalé un haut fonctionnaire du ministère en Guinée : « L'originalité de la démarche de l’IIPE dans le développement du plan sectoriel de l’éducation réside dans le fait que ses expert·e·s ont accompagné l’équipe nationale sans jamais imposer leurs choix. Les décisions stratégiques ont été proposées aux décideur·se·s par l'équipe nationale. »