En Éthiopie, l’éducation ne connaît pas de frontières

20 Juin 2018

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An outdoor blackboard at a school in Ethiopia.

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Être obligé de fuir sa maison, son école et tout son environnement familier, telle est la réalité à laquelle sont confrontés les réfugiés et les personnes déplacées. Parvenus dans un nouvel endroit, ils ont parfois accès à l’école dans un camp ou à des possibilités d’éducation informelle. L’intégration pleine et entière au sein du système scolaire national est plus rare. Bien que cette dernière soit l’une des voies les plus prometteuses pour s’intégrer dans un nouveau pays, les responsables de l’éducation se disent souvent confrontés à d’innombrables difficultés pour assurer l’éducation des réfugiés au sein des systèmes nationaux. 

L’Éthiopie est un cas exemplaire de pays ayant pris de sérieuses mesures pour intégrer les réfugiés et les personnes déplacées dans ses systèmes nationaux, notamment son système éducatif. Il faut dire que l’Éthiopie a une longue tradition d’accueil des réfugiés. Plus de 900 000 personnes originaires de quelque 24 pays – principalement l’Érythrée, la Somalie et le Soudan du Sud – considèrent aujourd’hui l’Éthiopie comme leur pays. 

 

Améliorer le sort des réfugiés 

En novembre 2017, l’Éthiopie a été l’un des premiers pays à mettre en place le Cadre d’action global pour les réfugiés. Ce cadre vise à renforcer l’autonomie des réfugiés et leur inclusion dans les plans de développement nationaux, à leur donner davantage de possibilités d’améliorer leur existence et à réduire la pression sur les pays d’accueil afin de favoriser une coexistence pacifique. 

L’accès à une éducation de qualité est un axe majeur des efforts du pays pour améliorer le sort des réfugiés. C’est aussi une responsabilité partagée, qui requiert la contribution et l’expertise d’une multitude d’acteurs, parmi lesquels le ministère de l’Éducation ainsi que les partenaires de l’action  humanitaire et du développement. 

 

Une nation impliquée 

« Nous devons nous impliquer en tant que nation, » déclarait récemment Getachew Admasu Bishaw, expert en suivi et évaluation de projets pour le ministère de l’Éducation, lors d’un atelier organisé en mars 2018 à Nairobi (Kenya) par l’IIPE en partenariat avec l’UNESCO, le HCR, l’UNICEF et le  Global Education Cluster. « Ce cadre d’action est en totale cohérence avec les Objectifs de développement durable. C’est la raison pour laquelle notre ministère – notre pays – a signé cet engagement. » 

Ashenafi Demeke Kebede, responsable de l’éducation au sein de l’Administration en charge des réfugiés et des rapatriés (ARRA), a également déclaré à l’IIPE que l’inclusion des réfugiés d’âge scolaire dans le plan national d’éducation présentait de nombreux avantages pour tous les apprenants.  

Outre que cette inclusion est rentable, explique Ashenafi Demeke Kebede, « s’il existe un plan global d’inclusion des réfugiés, tout le monde est impliqué, ce qui renforce la cohésion et l’harmonisation sociales. Il s’agit d’une solution durable. En incluant les réfugiés dans le plan à long terme, on crée une passerelle, l’aide humanitaire devient soutenable et peut avoir un impact sur le développement à long terme. »

Cependant, la multiplicité des entités travaillant dans le domaine de l’éducation peut, en l’absence de coordination étroite, avoir pour effet de créer ce qu’Ashenafi Demeke Kebede appelle une « planification parallèle », ou planification distincte pour différents segments de la population. C’est un phénomène courant non seulement en Éthiopie, mais aussi dans beaucoup de pays qui accueillent un grand nombre de réfugiés. Le risque, dans ce cas, est que l’éducation des réfugiés ne soit pas une priorité. Et il existe un risque encore plus grand que les réfugiés restent en-dehors du système scolaire formel. Dans son rapport 2017 Working towards inclusion: Refugees within the national systems of Ethiopia, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) note que si les enfants et les jeunes réfugiés en Éthiopie ont le droit d’accéder aux écoles publiques, 48 % restent en-dehors du système scolaire formel.

Planifier ensemble pour plus d’impact  

La planification conjointe du secteur de l’éducation est un bon moyen d’avancer, comme l’est une meilleure coordination entre tous les partenaires pour planifier et gérer l’éducation. Elle  contribue à une mise en œuvre efficace de services éducatifs pour les réfugiés et pose les bases d’un fonctionnement équitable de l’éducation dans les camps de réfugiés comme au sein des communautés d’accueil.
 
Depuis juillet 2017, l’IIPE accompagne l’Éthiopie dans sa démarche de planification conjointe avec les réfugiés et les communautés d’accueil. Ce projet sur deux ans devrait renforcer la capacité du ministère de l’Éducation et de l’ARRA d’anticiper les crises et les afflux de réfugiés dans cinq régions touchées par ces mouvements migratoires (Gambella, Tigray, Benishangul- Gumuz, Somali et Afar). L’initiative de renforcement des capacités des responsables de l’éducation au sein des communautés d’accueil et de réfugiés couvre notamment la collecte de données sur les risques de conflits ou de catastrophes naturelles auxquels les écoles doivent faire face. Les planificateurs disposeront d’outils de sectorisation scolaire pour analyser les indicateurs clés et une assistance sera fournie pour enrichir les outils d’inspection de questions relatives aux crises  et aider les responsables de l’éducation  à déterminer les priorités stratégiques ainsi qu’à prendre en compte les résultats de l’analyse.
 
En réunissant tous les acteurs clés de l’éducation autour de ces processus de planification conjointe, l’idée est de renforcer la coordination et la collaboration entre les services éducatifs à destination des réfugiés et des communautés d’accueil.  
 
Lors du récent atelier organisé à Nairobi, Mellese Bedanie Turie, coordinateur de l’Education Cluster, au sein de l’UNICEF Éthiopie, a lui aussi insisté sur l’importance d’une politique/réglementation nationale ainsi que d’une coordination et planification conjointes.
 
« Nous devons travailler ensemble. Nous devons trouver les moyens d’améliorer de façon cohérente et conjointe la politique, la planification, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de l’éducation à destination de ces groupes cibles, a-t-elle déclaré. Avec une politique claire et un plan, nous savons ce qu’il faut faire, pourquoi et comment, et aucun enfant ne sera laissé à l’écart. »