En finir avec la corruption et la fraude académique dans l’enseignement supérieur

 

  Par Muriel Poisson, IIEP-UNESCO

 

La lutte contre la corruption dans l’enseignement supérieur a un nouveau caractère d’urgence. Jamais auparavant le rôle crucial de l’enseignement supérieur dans l’édification de sociétés prospères et durables n’avait été aussi flagrant.

Au Japon, d’anciens hauts fonctionnaires du gouvernement ont démissionné à la suite de révélations selon lesquelles ils avaient obtenu illégalement des postes universitaires après leur départ à la retraite. Au Kenya, des mesures énergiques ont été prises pour éliminer la triche généralisée. En Colombie, des enquêtes sont en cours sur la fraude aux examens d’admission. En Malaisie, un registre national des titulaires de doctorats a été ouvert pour mettre fin à la production et à l’usage de titres universitaires frauduleux. Enfin, une entreprise pakistanaise accusée d’escroquer des dizaines de milliers d’étudiants aux États-Unis en leur vendant des cours non conformes aux normes fait actuellement l’objet de poursuites. Tous ces exemples illustrent non seulement l’ampleur de la corruption et des pratiques frauduleuses dans le monde, mais aussi les diverses tentatives pour moraliser le secteur.

Adopter des mesures incitatives pour lutter contre la corruption et la fraude académique est une tâche ardue. En particulier parce que l’autonomie accrue accordée aux universités n’est pas toujours contrebalancée par des mécanismes de responsabilisation adéquats, mais aussi parce que les capacités en matière de réglementation et de lutte contre la corruption et la fraude restent limitées. 

Pourtant, la nécessité d’améliorer l’intégrité de l’enseignement supérieur devrait devenir plus impérieuse encore dans les années à venir. Les parties prenantes sont aujourd’hui mieux placées pour mesurer les effets délétères de la perte de ressources et de crédibilité qu’entraînent les pratiques frauduleuses. Les premiers intéressés sont notamment les bailleurs de fonds, soucieux d’une utilisation efficace de ressources qui s’amenuisent. Mais il y a aussi les établissements d’enseignement supérieur, qui doivent préserver la confiance dans les diplômes qu’ils délivrent et les employeurs qui doivent pouvoir se fier à la validité des titres de l’enseignement supérieur. Sans oublier les personnes dont la réputation peut être facilement ternie par des allégations de corruption ou de fraude, dont la diffusion est grandement facilitée par Internet.

Des exemples de mesures efficaces pour prévenir la corruption et renforcer l’intégrité dans l’enseignement supérieur ont été donnés dans la déclaration consultative récemment publiée par l’IIPE et le CHEA*. Ils incluent, sans que cette liste soit exhaustive: 

  • L’application de sanctions à l’encontre des fonctionnaires publics et du personnel des établissements d’enseignement supérieur (EES) qui produisent des fausses qualifications ; 
  • La mise en place de processus pour faire appel d’une décision académique ou administrative ;
  • L’élaboration de normes internationales de sécurisation des documents relatifs aux diplômes d’enseignement supérieur ;
  • L’exclusion des commissions d’assurance qualité de toute personne suspectée de conflit d’intérêt ;
  • Le contrôle du respect, par les personnels chargés du recrutement, du règlement intérieur de l’établissement et de la loi ;
  • L’inclusion de l’enseignement supérieur dans les dispositions de la législation relative à la protection des consommateurs qui concernent le marketing et la publicité ;
  • L’adoption de lois pour protéger les lanceurs d’alertes. 

Les témoignages de pays comme le Maroc, la Lituanie ou le Royaume-Uni, qui ont testé certaines de ces approches, sont présentés sur la plate-forme de ressources ETICO de l’IIPE. 

Pour aller de l’avant, il faut approfondir la réflexion et les échanges sur l’inclusion d’indicateurs d’intégrité dans les diagnostics traditionnels du secteur de l’enseignement supérieur. Mais aussi travailler à la conception de chartes éthiques et de codes de déontologie par les gouvernements et les EES et l’adaptation des normes et procédures qu’ils utilisent pour gérer le secteur. Il faut également revoir des normes et des mécanismes d’assurance qualité afin de mieux intégrer les questions d’intégrité. Et enfin se pencher sur les moyens d’encourager un plus large accès du public à l’information. C’est indispensable pour permettre à l’ensemble de la communauté de l’enseignement supérieur de prendre de nouvelles dispositions.

 

* IIEP, CHEA/CIQG. 2016 : Déclaration consultative pour des pratiques internationales efficaces. Lutter contre la corruption et renforcer l’intégrité : un défi contemporain pour la qualité et la crédibilité de l’enseignement supérieur. 

 

La plate-forme ETICO propose une foule de documents de référence sur l’éthique et la corruption dans l’éducation  

 

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