Entretien avec l’auteure : l’utilisation des données d'évaluation des apprentissages

21 Mai 2020

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Une classe en plein air à Mariama Kunda, Gambie

Les données produites par les évaluations à grande échelle des apprentissages peuvent être un outil précieux pour les décideurs et les planificateurs de l'éducation - lorsqu'elles sont bien utilisées. De plus en plus de pays comprennent l'importance de la collecte et de l'analyse de ces données, mais leur utilisation dans la planification et la conception des politiques fait souvent défaut. Il s'agit là d'une préoccupation majeure. Les données sur les résultats d'apprentissage des étudiants peuvent aider les décideurs à comprendre les principaux défis du système, à contrôler l'efficacité des politiques existantes et à améliorer les politiques futures.

L'IIPE-UNESCO vient de publier deux notes d'information sur la Gambie et la Guinée, qui constituent les premiers résultats d'un projet de recherche sur l'utilisation des données d'évaluation des apprentissages dans les pays d'Afrique subsaharienne. 

Nous avons demandé à Ieva Raudonytė, chargée de recherche associée à l'IIPE et auteur d'un document de travail IIPE-UNESCO sur le sujet, de nous parler du projet et de ses premiers résultats.

Quel type de données les pays devraient-ils collecter et analyser ?

 

Les données peuvent montrer ce que les élèves apprennent, indiquer si les résultats varient selon les régions, mettre en évidence les problèmes du système éducatif dans son ensemble et révéler quelles sont les politiques actuelles qui fonctionnent bien ou pas. Le type de données requises varie d'un pays à l'autre, il est donc important de consulter les planificateurs de l'éducation et les décideurs politiques avant de concevoir des instruments d'évaluation. Les types de données de base collectées affecteront l'analyse qui pourra être faite ultérieurement, mais certains domaines clés concernent les étudiants eux-mêmes, les enseignants, les écoles et la démographie. Un équilibre doit être trouvé entre la richesse des informations et les coûts engendrés par la collecte des données.

Quels sont les points positifs à tirer de la situation en Gambie et en Guinée ?

 

La Gambie a fait de nombreux efforts pour améliorer son système d'évaluation, ainsi que l'utilisation de ses données. Une politique d'évaluation a été élaborée en 2014, et constitue la base d'un cadre réglementaire pour la mise en œuvre des évaluations et l'utilisation de ses résultats. Il existe également une collaboration harmonieuse au sein du ministère gambien de l'Éducation de base et secondaire, où plusieurs départements sont impliqués dans la gestion des données d'évaluation. L'utilisation des données dans la planification au niveau des écoles a été institutionnalisée dans les activités du ministère, en grande partie grâce à un engagement politique fort de haut niveau pour améliorer l'utilisation des données d'apprentissage dans le pays. Cela s'est accompagné d'une amélioration des programmes, des manuels scolaires et de la formation des enseignants au niveau national.

La Guinée est en train de développer son système national d'évaluation, et son nouveau plan sectoriel d’éducation (Programme décennal de l'éducation en Guinée 2020-2029) prévoit des progrès significatifs à cet égard. L'objectif principal est de développer un cadre réglementaire pour la mise en œuvre et l'utilisation des différentes évaluations et, surtout, de garantir la publication régulière des données collectées. La Guinée a également rejoint l'évaluation du PASEC (Programme d'analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN) en 2019.

Existe-t-il des obstacles communs qui empêchent ces pays d'utiliser plus efficacement les données dans leur planification de l'éducation ?

 

Les deux pays sont confrontés à des défis très différents, car ils se trouvent à des stades différents de développement de leurs systèmes d'évaluation. Cependant, tous deux ont eu des difficultés à diffuser les données en temps utile, car les résultats des évaluations arrivent parfois tard. En outre, les rapports d'évaluation sont souvent très techniques et donc insuffisamment adaptés aux besoins des planificateurs, des décideurs politiques et des autres acteurs du système.

Que peuvent faire la Guinée et la Gambie pour améliorer leur utilisation des données d'évaluation des apprentissages ? Y a-t-il des domaines du cycle politique où elles pourraient être mieux utilisées ?

 

La Guinée et la Gambie ont toutes deux effectué des analyses approfondies des données d'évaluation à grande échelle dans leurs Analyses du secteur de l'éducation. Les données ont été utilisées pour informer la phase de suivi et d'évaluation du cycle de planification. En Gambie, les données d'évaluation ont également été utilisées pour la préparation du plan du secteur de l'éducation et certaines activités de mise en œuvre. En Guinée, les données disponibles étaient moins utilisées à ces deux étapes du cycle.

Les deux nouvelles notes d'orientation fournissent des recommandations spécifiques aux pays, qui portent sur : le renforcement des bases réglementaires ; la réalisation d'une analyse des données d'évaluation plus pertinente pour l'élaboration des
politiques ; la garantie d'une diffusion fluide et d'un suivi efficace des activités recommandées ; la réalisation d'évaluations plus inclusives ; et le développement des capacités nationales. 

Enfin, quelles sont les prochaines étapes de ce projet ?

 

Nous avons finalisé la collecte de données dans les autres pays inclus dans le projet : Ghana, Namibie, Sénégal et Zambie. Les notes d'orientation pour ces quatre pays seront bientôt disponibles. Une analyse comparative permettra de tirer des enseignements généraux, utiles aux pays de la région et aux partenaires techniques et financiers participant aux évaluations. Enfin, à plus long terme, l'IIPE Buenos Aires se prépare également à étendre le projet de recherche aux pays d'Amérique latine, en utilisant une méthodologie spécialement adaptée.