Entretien : le gouvernement ouvert dans l'éducation

29 Mars 2020

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mohammad aldi purnomo / Shutterstock.com

La collection Éthique et corruption dans l’éducation s’enrichit d’un nouvel opus ! Cet ouvrage, publié sous la direction de Muriel Poisson, spécialiste de programme à l’IIPE, est le premier volet d’un nouveau projet de recherche sur le gouvernement ouvert dans l’éducation. À la fois théorique et pratique, il propose une analyse approfondie du concept accompagnée d’un examen de divers projets en cours dans le monde.

Nous avons demandé à Muriel de nous parler de ce domaine émergent et de nous dire en quoi son nouveau projet de recherche « Gouvernement ouvert dans l’éducation : retours d’expérience » ouvre de nouvelles perspectives encourageantes pour la planification de l’éducation.

Qu’entend-on par « gouvernement ouvert » et quels effets peut-il avoir sur la vie des élèves et des autres acteurs du secteur de l’éducation ?

 

Le concept de gouvernement ouvert a ceci d’intéressant qu’il appelle à renouveler les interactions entre gouvernement et citoyens. Sa définition renvoie en général à trois grands principes : la transparence, l’engagement citoyen et la réactivité des pouvoirs publics. Dans le secteur de l’éducation, il couvre plus spécifiquement des domaines comme l’action publique ouverte, le budget ouvert, la commande publique ouverte et les audits sociaux.

Nous sommes convaincus que les processus participatifs améliorent profondément la pertinence des politiques et des réformes de l’éducation – et, par conséquent, leur mise en œuvre. De plus, et sous réserve que les conditions requises soient réunies, le gouvernement ouvert peut déboucher sur des résultats éducatifs plus équitables dès lors que les communautés défavorisées sont impliquées dans les décisions et les processus. Donner aux citoyens les moyens de s’exprimer peut rééquilibrer les rapports de force au sein du secteur éducatif.

Quels sont les principaux objectifs de ce nouveau projet de recherche ? Comment se rattache-t-il à vos travaux antérieurs sur les données ouvertes sur les écoles ?

 

Ce nouveau projet de recherche vise à comprendre comment développer dans notre monde technologique des approches plus réactives, efficaces et innovantes en matière de planification de l'éducation, en faisant appel à la participation des citoyens. Nous voulons recenser les initiatives en cours et celles qui semblent prometteuses, recueillir les retours d’expérience, notamment auprès des acteurs de l’école (chefs d’établissement, enseignants, parents, élèves et représentants des communautés) et tirer les leçons des expériences réussies. En fin de compte, notre objectif est de proposer une série de recommandations aux décideurs et planificateurs de l’éducation. Mais aussi de les aider à concevoir et mettre en œuvre, en toute connaissance de cause, des politiques efficaces de gouvernement ouvert dans l’éducation.

Les données ouvertes sur les écoles font partie du gouvernement ouvert, mais en élargissant nos recherches, nous voulons aller plus loin. En plus de nous intéresser aux moyens d’informer les citoyens en matière d’éducation, nous souhaitons comprendre, de manière plus globale, comment consulter et impliquer les citoyens à différentes étapes du cycle de planification : conception de la politique éducative, mise en œuvre, évaluation, suivi, etc.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les études de cas ? Pensez-vous pouvoir observer un impact concret sur les niveaux de corruption ?

 

Nous avons lancé sept études de cas sur des initiatives de gouvernement ouvert qui nous paraissent intéressantes en Colombie, aux États-Unis, en Inde, à Madagascar, au Pérou, au Portugal et en Ukraine. Elles illustrent les différentes formes que peut prendre le gouvernement ouvert dans l’éducation. Aux États-Unis ou au Portugal, par exemple, nous nous intéressons aux processus budgétaires ouverts associant parents et élèves. Dans le cas de l’Inde, nous étudions comment les mécanismes d’audits sociaux ont été institutionnalisés avec succès dans l'éducation. Nous espérons pouvoir utiliser ces travaux pour comparer la situation en zones urbaines et en zones rurales et tirer les leçons de chaque expérience.

Nous pensons que, sous certaines conditions, le budget ouvert, la commande publique ouverte et les audits sociaux peuvent limiter le risque de corruption et de mauvaise utilisation des finances. La participation des citoyens au cycle budgétaire de l’éducation permet par exemple de réduire les risques en éliminant l’asymétrie d’informations entre pouvoirs publics et citoyens.  En outre, donner aux citoyens leur mot à dire dans le processus peut également réduire les décisions discrétionnaires et prévenir les pratiques de corruption.

Quelle est la prochaine étape pour un gouvernement ouvert ? À quoi ressemblera la situation mondiale dans dix ans ?

 

Actuellement, la situation varie profondément d’un pays à l’autre, ce décalage étant souvent lié au niveau de corruption. C’est d’ailleurs l’un des enseignements clés de la nouvelle étude que nous venons de publier.

Au cours de la prochaine décennie, de telles différences persisteront certainement. Néanmoins, nous pensons que le fait d'aller de l'avant avec un gouvernement ouvert favorisera une culture de dialogue plus forte au sein des systèmes éducatifs. Cela sera essentiel pour les planificateurs, en encourageant le développement de structures de gouvernance plus démocratiques, mieux adaptées aux besoins des citoyens. Nous sommes convaincus que les recommandations de l'IIPE contribueront à instaurer la confiance entre acteurs de l'éducation. Cela profitera à l'ensemble du secteur, et notamment aux élèves, qui sont au cœur du système.

 

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