Financer l’agenda international pour l’Education 2030

26 Janvier 2016

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IIEP
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Aaron Benavot, director of the Global Education Monitoring Report, speaks during the first 2016 Strategic Debate.

L’agenda international pour l’Education 2030, adopté à New York par les Nations Unies en septembre 2015, propose une vision ambitieuse d’une éducation équitable, de qualité et d’opportunités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous.

A ce jour, le manque de financement adapté –déficit estimé à 39 milliards de dollars – pourrait empêcher les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire d’atteindre ces objectifs. Les répercussions seront également importantes sur le terrain pour les planificateurs.

Afin d’aider les planificateurs et autres parties prenantes à mieux comprendre les politiques de financement nécessaires pour atteindre les nouveaux objectifs de développement, l’IIPE a récemment organisé son premier débat stratégique de l’année sur : « Financer l’agenda international pour l’Education 2030 – principaux enjeux et défis pour les planificateurs nationaux. »

Ayant réuni plus de cinquante planificateurs de l’éducation du monde entier, des universitaires, des représentants de délégations nationales et des experts du secteur de l’éducation, l’événement a mis l’accent sur la situation précaire des flux financiers, faisant un bilan depuis le mouvement Education pour tous (EPT) en 2000 jusqu’à la récente adoption des nouveaux Objectifs de développement durable (ODD).

 

Nouveau challenge, nouvel élan ?

« Les projections montrent que le monde restera loin des objectifs à atteindre à moins que des actions majeures ne soient entreprises. » expliquait Aaron Benavot, directeur du Rapport mondial de suivi sur l’éducation (Rapport GEM), et principal intervenant de ce débat stratégique.

 

A la suite du Forum mondial de l’Education de Dakar en 2000, la communauté internationale s’est mobilisée en doublant l’aide à l’éducation entre 2002 et 2009. Or, depuis 2010, cette tendance s’est essoufflée et le niveau des aides s’est stabilisé, voire s’est réduit.

 

Source: Aaron Benavot, GEM Report Director, 2016

 

« Il est clair que les donateurs internationaux n’ont pas tenu leurs promesses faites à Dakar – notamment celle qu’aucun pays ayant réalisé un effort considérable et sincère pour atteindre les objectifs de l’EPT ne serait freiné par la manque de financement. » nous disait Aaron Benavot. 

 

Le manque de financement est une des raisons principales pour laquelle les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire n’ont pu atteindre les objectifs de l’Education pour tous (EPT), qui arrivaient à leur terme en 2015. Aujourd’hui, les enjeux sont encore plus élevés pour atteindre des objectifs mondiaux pour l’éducation encore plus ambitieux.

 

Combien coûterait la réalisation des nouveaux objectifs de l'agenda pour l'Education 2030 ?

Le coût annuel pour atteindre l’enseignement universel pré-primaire, primaire et secondaire dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire devrait augmenter de 149 à 340 milliards de dollars US, entre 2015 et 2030, selon les projections du Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous. 

Autrement dit, pour atteindre ces objectifs, le Partenariat mondial pour l’éducation estime que le coût serait de 1,08 dollar en moyenne par jour pour envoyer chaque enfant à l’école pendant 12 ans.

Cependant, les modèles d’établissement des coûts du Rapport GEM pointent des déficits de financement importants – une différence entre le coût d’une éducation de qualité pour tous et les ressources nationales en réalité disponible pour financer cette éducation. 

Par exemple, dans les pays à faible revenu, où il est le plus préoccupant, ce déficit s’élève à 21 milliards de dollars, ou 42 % du coût total. Et avec seulement 3 milliards de dollars alloués par l’aide internationale, A. Benavot démontre bien qu’un écart de 18 milliards de dollars persiste. 

« On voit à quel point les objectifs sont ambitieux relativement aux dépenses réelles, aux flux d’aides actuels et à la diminution de l’aide internationale. Où trouvera-t-on l’argent ? »

Paul Coustère, directeur adjoint de l’IIPE et deuxième intervenant du débat, déclarait que nous avons peu de raisons de penser que l’Aide publique au développement (APD) pour l’éducation puisse être multipliée (par six) pour combler cet écart.

Alors que nous avons besoin de développer des modèles de coûts et de mobilisation des ressources mondiaux, suivre une approche au plan national a plus de chances de combler le manque de financement, selon P. Coustère. Il a également argumenté en faveur du développement d’une base fiscale internationale afin de financer les biens publics mondiaux.

 

Le manque de données liées au financement

Alors que nous entrons dans la période post-2015, le besoin d’information précise et transparente autour des flux de financements devient une nouvelle urgence. Les planificateurs ont besoin de savoir d’où viennent les fonds, s’ils sont bien gérés et si les allocations mènent aux résultats attendus.

« Un des grands défis à venir est d’améliorer le type de données sur les allocations courantes : où vont-elles réellement, et quel montant serait détourné vers de toute autre direction peu transparente, » expliquait A. Benavot.

Ceci englobe aussi un besoin d’information sur le montant que les ménages et les parents continuent à dépenser en plus des allocations gouvernementales pour envoyer leurs enfants à l’école et payer toute sorte de frais cachés. 

David Woods Baysah, coordinateur de projet pour le ministère du Liberia et actuellement stagiaire à l’IIPE, nous expliquait que l’avènement d’une école totalement gratuite était très enthousiasmant pour son pays. « Cependant, la signification réelle de gratuité est incertaine. Pour les habitants de pays pauvres, la gratuité est en fait synonyme de frais à payer. »

Il est donc évident que les planificateurs doivent disposer de données approfondies et complètes afin que les décisions soient prises de façon éclairée dès le début des discussions politiques. 

A. Benavot : « Beaucoup de données sont disponibles mais ne le sont pas à temps. Cela prend du temps, parfois un, parfois deux, parfois trois ans, pour découvrir la part du montant alloué réellement dépensé, par qui et quel écart existe entre l’allocation et les dépenses. »

Les planificateurs de l’éducation doivent savoir s’ils peuvent compter sur ces fonds les années suivantes et comment sont-ils réellement utilisés, pour permettre aux allocations liées à l’éducation d’être distribuées de manière équitable et efficace.

 

Source: Aaron Benavot, GEM Report Director, 2016

 

Il faut aussi identifier là où le système est inefficace pour que les planificateurs soient en mesure de rectifier ces failles et puissent travailler sur l’optimisation de l’accès à l’éducation, des taux d’achèvement des études et des acquis de l’apprentissages mais avec moins de ressources.  

Alors que de nombreux facteurs externes influencent le succès de l’agenda pour l’Education 2030 – qu’ils s’agissent de la façon dont l’aide extérieure est gérée ou encore de schémas de financement innovants qui peuvent être explorés – les planificateurs nationaux peuvent jouer un rôle important dans l’évaluation des politiques dans la mesure où elles prennent en compte l’égalité, l’efficacité et l’efficience. 

 

Cliquez ici pour découvrir la présentation d'Aaron Benavot (en anglais).

Cliquez ici pour lire le dernier rapport mondial de suivi sur l'EPT.

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