Généraliser l’enseignement secondaire en Inde

21 Avril 2016

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UNESCO-Ianson Athanasiadis

Vision de l’Inde sur l’enseignement secondaire


Le gouvernement Indien s’est lancé dans une campagne nationale pour généraliser l’enseignement secondaire d’ici à 2020. Le futur d’un pays – ses perspectives d’avenir, son développement, son bien-être social – dépendent largement du développement de chacun de ses individus. La scolarité au niveau secondaire représente ce moment crucial où les générations futures vont développer leur aptitude à la pensée abstraite et à la compréhension de concepts qui leur permettront ensuite de faire avancer leur pays.

C’est le sujet qu’a choisi l’IIPE pour son deuxième débat stratégique de l’année en posant cette question : « L’ODD 4 est-il réalisable ? ». Ce débat a réuni Keith M. Lewin, professeur émérite de l’Université du Sussex, et Jordan Naidoo, directeur de la division de coordination et de soutien pour l’Education 2030 de l’UNESCO. Alors que l’éducation secondaire fait partie intégrante de cette nouvelle vision étendue de l’éducation, l’Inde a pris le parti d’aller encore plus loin et d’avancer son échéance de dix ans.    

Dans son article écrit pour le portail dédié aux apprentissages de l’IIPE, le professeur Lewin expose les principaux défis auxquels l’Inde doit désormais faire face.


Généraliser l’enseignement secondaire


Rashtriya Madhyamik Shiksha Abhiyan (RMSA) est une initiative du gouvernement Indien, menée en partenariat avec les gouvernements des Etats, qui cherche à généraliser l’inscription aux niveaux 9 et 10 à travers le pays. Ainsi, le projet soutient l’agrandissement des écoles existantes mais aussi la construction de nouvelles écoles notamment pour atteindre des zones jusqu’ici non desservies. Il soutient également les investissements visant à améliorer la qualité de l’éducation et les contributions aux frais de fonctionnement et d’investissement. L’objectif est donc de généraliser l’entrée en école secondaire d’ici à 2017 et d’assurer ensuite que tous les élèves accomplissent leur dixième année d’ici à 2020.

RMSA s’attaque au fait qu’aujourd’hui moins de 60 % des enfants achèvent leur cycle secondaire et que les taux nets de scolarisation ne dépassent pas les 40 %. En outre, environ la moitié de ceux qui terminent leur cycle du secondaire n’ont pas acquis un niveau élevé de compétences et ne maîtrisent pas le programme national. Dans les Etats du nord, moins de la moitié des enfants iront à l’école secondaire. Les enfants issus des tribus et des castes répertoriées et des autres groupes marginalisés sont encore plus désavantagés. Seulement 11 % des enfants appartenant au quintile le plus bas en termes de dépenses des ménages sont susceptibles d’aller au secondaire tandis que presque tous les enfants du quintile le plus riche complèteront leur année 10.


Douze préoccupations qui détermineront le développement de l’école secondaire


1) Il sera difficile pour la plupart des pays d’atteindre un taux de scolarisation meilleur que 100 % d’ici à 2020 et ils n’y parviendront pas pour la date cible de 2017*. On peut déterminer plusieurs raisons : un nombre insuffisant d’élèves atteignant la 8e année, de faibles niveaux d’achèvement de la 9e année, un manque d’assiduité des élèves et un fort absentéisme des professeurs, de grands disparités entre les écoles en termes de nombre d’employés, de taille des classes et de matériel disponible, un financement insuffisant pour assurer cette généralisation de l’enseignement secondaire.

2) La transition démographique amènera une diminution du nombre d’enfants en âge d’aller à l’école secondaire. Dans les Etats où le taux de scolarisation est faible, la demande de places dans le secondaire est susceptible de connaître un pic avant 2020, après quoi le nombre d’enfants en âge d’aller au secondaire chutera de 20 % ou plus sur les dix années suivantes.

3) La demande additionnelle pour suivre un enseignement secondaire viendra principalement de groupes marginalisés qui n’étaient, auparavant, pas en mesure de finaliser leur éducation secondaire. Ces groupes incluent (mais de façon non proportionnelle) des enfants venant de secteurs ruraux ou d’établissements de zones urbaines ou péri-urbaines ou de bidonvilles, des enfants issus de foyers aux bas revenus, d’autres venant de castes et de tribus classées et autres castes moyennes, et, dans certains Etats, des filles.

4) L’augmentation de la participation viendra des zones situées à distance des écoles secondaires existantes. La distance moyenne à parcourir pour atteindre les écoles secondaires augmentera, de même que les dépenses supportées par les ménages pour couvrir cette distance. La sécurité est aussi un problème dans certaines régions, notamment pour les jeunes filles.

5) Les politiques actuelles de développement de l’éducation secondaire ont conduit à une surabondance de petites écoles avec un nombre d’élèves par enseignant faible et donc des coûts très élevés. Dans certains Etats, plus de 50 % des écoles secondaires comptent moins de 50 élèves scolarisés dans les 9e et 10e années. Dans d’autres Etats, des sortes de « méga » écoles se sont développées et atteignent désormais un nombre d’élèves par enseignant supérieur à 150 et un nombre d’enfants scolarisés dans les 9e et 10e années supérieur à 600 (par exemple, c’est le cas à Bihar).

6) Moins de la moitié des élèves en âge d’être scolarisés en 10e année passent leurs examens pendant cette année-là. Une plus faible proportion réussira ses examens à un niveau où ces enfants pourraient ensuite avoir une place dans l’enseignement supérieur ou accéder à un emploi. Tandis que la scolarisation augmente, un nombre croissant d’enfants avec moins de capacités et souvent désavantagés passent des examens au-delà de leur niveau. En conséquence, les taux d’échec sont susceptibles d’augmenter.

7) La répartition des enseignants est très inégale, avec un nombre d’élèves par enseignant variant, suivant les régions, de 10 à 100. Ceci est en plus exacerbé par des problèmes de recrutement. Dans certains Etats, moins de 14 % des écoles ont des professeurs qualifiés dans les quatre domaines d’apprentissages principaux et moins de 10 % des écoles proposent toutes les installations de base.

8) L’éducation secondaire représente une charge financière supplémentaire pour les familles. Une grande partie des demandes d’entrée au secondaire viendront, d’une part, des enfants appartenant au quintile des familles ayant les revenus les plus bas et, d’autre part, de groupes marginalisés et donc pauvre également.

9) Les écoles privées scolarisent désormais 30 % des élèves capables de suivre un enseignement secondaire ou 15 % de tous les enfants en âge d’être scolarisés en école secondaire. La plupart d’entre eux viennent des foyers les plus aisés et en général se trouvent dans des zones de haute densité de population et en relativement bonne santé. Les ménages au-delà du deuxième quintile ne pourront pas se permettre financièrement de scolariser leurs enfants dans ces écoles privées.

10) Le cours particuliers sont en augmentation et peuvent coûter à une famille l’équivalent de leur budget total dédié à la scolarisation en école secondaire. Etonnamment, une grande partie des élèves en école privée sont aussi ceux qui suivent des cours particuliers.

11) Financer l’éducation secondaire pour tous en tenant compte des coûts de structure actuels nécessiterait plus de 2 % du Produit Intérieur Brut. Ce niveau de dépenses n’est pas soutenable financièrement sans une allocation disproportionnée au secteur de l’éducation. L’efficacité doit dont être augmentée.

12) La croissance de la participation a été inéquitable. Les enfants provenant de la plus riche caste classée, tribu classée ou des foyers d’autres castes moyennes ont augmenté leurs chances de pouvoir compléter leurs études secondaires aux dépens de ceux, pour les mêmes groupes, aux revenus les plus faibles. En conséquence, l’expansion à venir de l’enseignement secondaire doit donc être favorables aux pauvres et subventionnée. Aucun enfant ne devrait être exclu de l’enseignement secondaire à cause des frais liés à la scolarisation.


De multiples feuilles de route


Il existe un océan de possibilité pour développer l’accès à l’enseignement secondaire. Il ne faut pas une unique feuille de route mais des perspectives de plans de moyen terme au niveau des Etats et des districts qui seront sensibles aux opportunités et aux priorités locales, pourront se renouveler d’année en année et tirer bénéfice des modèles de projection et des Systèmes d’information géographique. Cette recherche identifie des réformes majeures qui pourraient constituer une base pour un dialogue politique et conduire à des transformations. Cela pourrait conduire à une redéfinition du paysage de l’enseignement secondaire en Inde et réduire le large écart qui existe entre l’Inde et les autres BRICS en termes de participation, de résultat et de connaissances.

Ce rapport est fondé sur les conclusions d’un programme de recherche développé par l’agence de coopération technique RMSA en collaboration avec l’Université nationale de planification de l’éducation et d’administration, au travers des discussions avec MHRD et avec le soutien du DfID du Royaume Uni.

* L'accès universel à l'éducation et l'achèvement de la scolarité résulterait en un taux de scolarisation de plus de 100 % en raison des redoublements et des inscriptions d’élèves plus âgés. Lorsqu’un système d’éducation est efficace, le taux de scolarisation ne doit pas dépasser 105 %.