Ghana : faire de l’éducation inclusive une réalité

09 Juillet 2018

L’IIPE s’est récemment entretenu avec Anthony Boateng, directeur général adjoint des services éducatifs du Ghana (Ghana Education Services, GES), au sujet de la politique du pays pour l’éducation inclusive. Malgré les progrès considérables du Ghana en la matière et l’évolution des mentalités, il reste selon lui encore beaucoup à faire pour veiller à ce que tous les enfants aient la possibilité d’apprendre côte à côte.

Qu’entreprend le Ghana pour veiller à qu’une éducation de qualité soit une réalité pour tous ?

Le Ghana s’est engagé à assurer une éducation de base gratuite et obligatoire et à ce titre, sa politique éducative actuelle prévoit deux années en jardin d’enfants, ce qui lui donne une longueur d’avance sur d’autres pays d’Afrique subsaharienne. Au vu des effets positifs de cette mesure ces vingt dernières années, le Ghana, par l’intermédiaire de son ministère de l’Éducation et de ses GES, a redoublé d’efforts au niveau national pour déployer une offre équitable de services de jardin d’enfants, notamment pour les plus vulnérables et défavorisés. Depuis 2000, le ministère de l’Éducation/GES s’attache à assurer l’accès universel à l’éducation de base et peut se féliciter d’avoir atteint un taux de scolarisation de 100 % et une parité entre les sexes dans le primaire, ainsi que de bons résultats, relativement plus modestes, dans le secondaire (SIGE 2016-2017). Sous l’égide du ministère de l’Éducation/GES a notamment été élaboré le cadre politique pour une éducation inclusive, qui vient compléter d’autres politiques et crée un environnement favorable à la prestation de services éducatifs efficaces en assurant aux apprenants un accès égal à une éducation de qualité. La politique du Ghana pour une éducation inclusive transcende la notion de lieu physique pour intégrer des valeurs fondamentales prônant la participation, l’amitié et le dialogue. Elle reconnaît la diversité des besoins d’apprentissage des apprenants et exige de toutes les parties prenantes qu’elles prennent en compte dans le système éducatif ghanéen les divers besoins des différents groupes de citoyens.

Six grands projets sont en cours :

  • La mobilisation multisectorielle pour la mise en œuvre d’une éducation inclusive : Le ministère de l’Éducation et celui de la Santé sont en train de se coordonner pour promouvoir un système de visites médicales annuelles et d’orientation comme mesure concrète en faveur d’un dépistage précoce et de services d’assistance.
  •  La reconnaissance de la nécessité d’un corps d’enseignants compétents et motivés : Le ministère de l’Éducation/GES a lancé une réforme visant à rendre les programmes scolaires et le programme de formation initiale des enseignants à la fois pertinents et adaptés à la diversité des besoins d’apprentissage ; entre-temps, il a élaboré des modules de formation continue inclusive pour les enseignants, depuis le jardin d’enfants jusqu’au collège.
  • La reconnaissance de l’importance critique des systèmes d’aide et de gestion ainsi que des mécanismes de financement pour traduire les aspirations stratégiques en actions concrètes : Le gouvernement étudie les moyens de promouvoir une culture de la planification et du suivi basée sur les résultats pour soutenir les systèmes inclusifs. C’est l’élément le plus délicat du puzzle de l’inclusion, car le gouvernement doit faire des arbitrages entre des priorités concurrentes et des ressources limitées. L’analyse récente de l’inclusion dans le secteur de l’éducation a permis de discerner des goulets d’étranglement touchant à la fois à la capacité du système et à son financement. Nous espérons y remédier dans le nouveau plan sectoriel de l’éducation.
  • La nécessité de systèmes de collecte de données sérieux et fiables : Le Ghana dispose d’un solide système SIGE qui donne actuellement des informations sur la proportion des enfants en situation de handicap. Si l’analyse récente du secteur montre qu’il pourrait sous-estimer le nombre d’enfants en situation de handicap, il fournit néanmoins un point de départ utile et nécessaire, qui sera renforcé et élargi.
  • La nécessité de convaincre toutes les parties prenantes – enfants, parents, communautés, enseignants, administrateurs et décideurs politiques – qu’une éducation inclusive ne peut que profiter à tous les enfants et à la société tout entière : Le gouvernement a engagé le processus de sensibilisation par la diffusion de sa politique et ses règles, mais il faut faire beaucoup plus pour changer les attitudes sociétales et les valeurs, afin de dépasser la stigmatisation et la discrimination liées au handicap. Certaines ONG/OSC (notamment la Ghana Federation of Disability Organizations) ont apporté leur contribution aux actions de sensibilisation dans le cadre de la promotion de la politique d’éducation inclusive.
  • La création du Comité national de pilotage de l’éducation inclusive : Ce Comité est chargé de superviser la mise en œuvre de l’éducation inclusive dans le pays. Il est composé de représentants de ministères et d’agences gouvernementales, d’établissements universitaires, d’ONG/OSC et de partenaires du développement. Des sous-comités sont en outre chargés des questions de mobilisation des ressources, de suivi, d’évaluation et d’apprentissage, de dépistage/orientation et d’accompagnement, de sensibilisation et de préconisation, de renforcement des capacités, de partenariats et de coordination.
Comment les mentalités ont-elles évolué pour ce qui est de l’ouverture des salles de classe aux enfants en situation de handicap ?

Dans le cadre de l’analyse sectorielle sur la politique pour une éducation inclusive, une enquête simple a été menée dans le pays (auprès de neuf districts sélectionnées) pour recueillir des données sur les connaissances qu’avaient les participants de l’éducation inclusive, les attitudes et les pratiques d’inclusion dans les écoles des enfants ayant des besoins spécifiques, et les solutions aux obstacles que ceux-ci rencontrent pour accéder à l’école.

Voici certains des avis exprimés par diverses parties prenantes au sujet de l’éducation inclusive, notamment dans les 20 districts appuyés par l’UNICEF (au niveau financier, logistique et technique) :

  • Les directeurs d’établissement et les enseignants acceptent l’inscription d’enfants en situation de handicap dans leurs écoles et les accompagnent pour qu’ils bénéficient de l’enseignement, notamment grâce aux orientations données par la politique pour l’éducation inclusive et aux activités de renforcement des capacités menées dans ce cadre.
  • La plupart des parents d’enfants en situation de handicap n’hésitent pas à les inscrire à l’école. Ce phénomène est le fruit de la campagne de sensibilisation sur la politique pour l’éducation inclusive à tous les niveaux (régional à local).
  • Les enfants valides sont disposés à avoir cours dans la même salle de classe que leurs camarades en situation de handicap, à les soutenir et à jouer avec eux à l’école. Les directeurs d’établissement et les enseignants qui ont reçu une formation sur la mise en œuvre de l’éducation inclusive ont également sensibilisé leurs élèves à l’inclusion et à l’acceptation de la diversité dans la salle de classe.

Le ministère de l’Éducation/GES fait participer différents acteurs aux efforts nationaux en faveur de l’éducation inclusive en vue d’obtenir les meilleurs résultats possibles. Parmi ces acteurs, citons la Ghana National Education Campaign Coalition (GNECC), le Partnership for Child Development (PCD), Perkins International, et le British Council.

Quels sont les défis qui se posent à vous dans la planification de l’éducation inclusive ?

La récente analyse sectorielle sur les travaux d’éducation inclusive au Ghana a fait ressortir les points suivants, lesquels ont une incidence en matière de planification.

  • La politique pour une éducation inclusive est ambitieuse et formulée dans le cadre d’un système idéal. Les capacités existantes ne sont toutefois pas suffisantes pour prendre en charge sa mise en œuvre. Le niveau de connaissance des handicaps infantiles (catégories, causes, prévention, évaluation, appui, etc.) à tous les niveaux reste faible.
  • Il faut déployer et consolider davantage les fondements essentiels d’une mise en œuvre efficace de la politique (données et ressources). La disponibilité des données, notamment le renforcement de la collecte et de l’analyse des données du SIGE à l’appui de l’éducation inclusive, reste problématique.
  • Le financement de la politique pour une éducation inclusive n’est pas à la hauteur de ses ambitions. À l’heure actuelle, elle ne représente que 47,2 millions des 7,7 milliards de cédis des dépenses récurrentes dans l’éducation, soit 0,6 % du budget total du secteur en 2015.