Hackathon Hacking EDplanning : 48 heures, dix pays et huit prototypes pour le futur de l’éducation

13 Mai 2022

La deuxième édition du hackathon de l’IIPE-UNESCO a été avant tout une grande aventure collective : près d’une centaine de participantes et participants étaient sur la ligne de départ vendredi 6 mai dernier. Toutes et tous se sont démenés pour imaginer des solutions numériques pour répondre aux grands défis de l’éducation, comme se préparer au changement climatique ou rendre les données de l’éducation plus accessibles. Au terme de 48 heures de travail intense, de rigolade et sueurs froides, huit prototypes ont été présentés au jury. Voici le résumé des temps forts de ce hackathon mémorable co-organisé avec l’association Latitudes.

« Le seul fait de votre participation fait déjà de cet événement un succès », a exprimé la Directrice de l’IIPE-UNESCO, Karen Mundy, lors de l’ouverture de la seconde édition du Hacking EDplanning. Des dizaines de spécialistes de la tech et de l’informatique, des data scientists et des experts du secteur de l’éducation se sont connectés des quatre coins du monde pour résoudre les challenges de la 2ème édition du Hackathon de l’IIPE-UNESCO.

Le changement climatique comme fil rouge

Certains ont rejoint le hackathon en cours de route, d’autres ont abandonné ; certaines équipes ont fusionné quand d’autres se sont scindées… Malgré les rebondissements, toutes et tous ont donné de leur temps et mis leurs compétences techniques au service du bien commun, pour aider l’IIPE et les gouvernements du monde entier à construire un secteur de l’éducation plus résilient.

« En tant que planificateurs de l'éducation (…), nous savons que nous devons faire plus et mieux pour relever le défi du changement climatique. Pas seulement à travers des politiques éducatives et des plans, mais également grâce aux technologies numériques, au big data et au traitement des données en temps réel permettant d’apporter de preuves plus agiles pour prendre des décisions », a ajouté Karen Mundy.

« Nous savons que nous devons faire plus et mieux pour relever le défi du changement climatique [notamment] grâce aux technologies numériques, au big data ou au traitement des données en temps réel. »

Karen Mundy, Directrice de l’IIPE-UNESCO

Sur la plateforme collaborative, les équipes ont collaboré et se sont entraidées jours et nuits dans une joyeuse ambiance multilingue. En parallèle du travail mené par chaque équipe, le hackathon a été rythmé par deux réunions informelles quotidiennes et des séances de coaching assurées par Latitudes et les membres de l’IIPE-UNESCO impliqués à Paris, Buenos Aires et Dakar.

 « En travaillant sans relâche tout au long du week-end, les participantes et participants ont conçu des prototypes qui brisent de nombreuses barrières et qui ont un grand potentiel pour révolutionner la planification de l'éducation », s’est réjoui Amélie A. Gagnon, Responsable des activités de développement à l’IIPE-UNESCO.

Défis relevés : huit prototypes sur les rails

L’IIPE avait préparé un ensemble de défis basés sur des informations et des problématiques réelles du secteur de l’éducation. Ce travail préparatoire a été mené, pour certains défis, en étroite collaboration avec l’Organisation des États de la Caraïbe Orientale (OECS) et le siège de l’UNESCO.

  • Depuis l’Inde, les États-Unis et la France, les équipes Gee et Cobra sont ainsi parvenues à classifier l’historique des crues autour des écoles de Myanmar ou du Sri Lanka, grâce à des prototypes d’applications développées sur la base des données de Google Earth Engine.
  • Depuis leur bureau parisien, les trois membres de l’équipe ClaraVista ont conçu une méthodologie pour identifier automatiquement sur une carte les écoles bientôt affectées par la crue des eaux et ainsi anticiper les déplacements d’écoles dus à l’élévation du niveau de la mer.
  • Tout comme les étudiantes et étudiants en informatique de l’équipe Tek, les équipes EPI et LesFrenchies ont développé d’impressionnants prototypes de plateforme numérique permettant de géolocaliser les écoles de l’île de Sainte Lucie et d’identifier les abris et services de premiers secours en cas d’ouragan, d’inondations, d’éruption volcanique ou de tremblement de terre.
  • Connectés depuis l’Argentine, la France ou encore le Portugal, les membres des équipes Ed et Team ont réussi à visualiser les indicateurs clés du secteur de l’éducation dans les pays d’Amérique latine, offrant de belles perspectives à la plateforme SITEAL.

« Travaillant jour et nuit tout le week-end, les participantes et participants ont conçu des prototypes qui ont un grand potentiel pour révolutionner la planification de l'éducation. »,

Amélie A. Gagnon, Responsable des activités de développement à l’IIPE-UNESCO

À la rencontre des lauréats du Hacking EDplanning II

Les contributions des huit équipes ont été évaluées par le jury sur la base de quatre critères : la faisabilité technique des projets, la dimension innovante et créative, l’expérience utilisateur et l’impact escompté en matière de gestion et de planification de l’éducation. Le choix a été difficile ! Après la délibération du jury et un vote du public, trois équipes se sont distinguées.

PRIX DU PUBLIC
Le tableau de bord de l’équipe Team pour visualiser les indicateurs éducatifs latino-américains

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Légende - PRIX DU PUBLIC : Team

Prenez un ingénieur statisticien tchadien, un universitaire argentin spécialiste des politiques éducatives et formé au design de données, un data-analyste camerounais démographe de formation - et un ancien ingénieur automobile reconverti à la data science : cela donne l’équipe la plus internationale des lauréats du Hacking EDplanning. Pendant 48 heures, les membres de l’équipe Team ont travaillé d’arrache-pied sur trois différents fuseaux horaires pour tenter d’améliorer l’accessibilité des données latino-américaines sur l’éducation, à travers la création d’une interface de datavisualisation.

La plateforme web SITEAL de l'IIPE-UNESCO Buenos Aires fournit en effet un ensemble d'indicateurs éducatifs des pays d'Amérique latine, ventilés par variables socio-économiques. Si l’utilité de ces données ne fait aucun doute pour les ministères de l'Éducation de la région, l’interface existante est peu attrayante visuellement, rendant les données difficiles à interpréter et à comparer.

TERFACE ACTUELLE
AVANT

PROTOTYPE CONÇU PAR L’ÉQUIPE TEAM / Hacking EDplanning
APRÈS

Avant de participer au Hacking EDplanning, Mahamat Aboubakar, Juan Suasnábar, Rudi Yobol et Narciso Alves ne se connaissaient pas. C’est lors de la soirée de lancement du hackathon qu’ils ont décidé de faire équipe et de s’attaquer au défi numéro 6, leur permettant à tous de capitaliser sur leurs compétences en analyse de données.

« Au départ, le fait de ne pas nous connaître a été un défi. Non seulement nous ne parlions pas tous la même langue, mais en plus nous n’avions pas le même niveau de connaissances des langages informatiques et des logiciels », expliquent les membres de Team. La première étape a été de se mettre d’accord sur le choix de l’outil leur permettant de développer une solution viable en moins de deux jours. L’équipe opte finalement pour la plateforme PowerBI pour développer son prototype, quitte à ce que certains se forment à l’outil sur le tas. « Nous avons peu dormi, beaucoup réfléchi, beaucoup discuté entre nous et avec les équipes de l’IIPE-Buenos Aires durant le week-end qui ont aidé à affiner nos choix pour proposer une interface la plus agréable et intuitive possible », ajoute l’équipe. Pari réussi, puisque l’équipe a été plébiscitée par le public de la cérémonie de clôture du hackathon.

PRIX DE L’IMPACT
La méthodologie prédictive de l’équipe Clara Vista pour identifier les écoles affectées par la montée des eaux

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Légende - PRIX DE L’IMPACT : Clara Vista

 

ClaraVista, c’est l’histoire de trois collègues français data scientists, qui travaillent dans la même entreprise de data marketing. Le temps d’un week-end, ils ont mis leurs compétences informatiques et mathématiques au service d’un sujet très éloigné de leurs missions habituelles. En moins de 48 heures, ils ont réussi leur pari de créer une méthodologie permettant d’identifier les écoles qui seront tôt ou tard affectées par l’élévation du niveau de la mer. Ils permettent ainsi aux ministères de l’Éducation d’anticiper le déplacement des établissements concernés, voire de déterminer où construire de nouvelles écoles pour absorber la demande, à mesure que le niveau de la mer augmentera dans les cinq, dix ou vingt années à venir.

Pour leur premier hackathon, Ahmed-Amine Homman, Victor Bellaigue et Antoine Inza ont impressionné le jury, en développant une solide approche prédictive permettant de déterminer le nombre d’écoles, année par année, qui seront situées en dessous du niveau de la mer, sur un périmètre géographique donné. Intégré à la cartographie du logiciel libre QGIS, le code fourni par l’équipe permet ainsi de visualiser facilement l’évolution de la situation, sous forme d’animation.  

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En bleu, les écoles potentiellement inondées en 2026

 

« C’est une grande fierté pour nous d’avoir pu contribuer à un tel sujet d’intérêt général », expliquent les membres de l’équipe. « Cela a été un vrai bonheur de travailler ensemble, de pouvoir échanger tout au long du week-end avec les autres équipes, même si nous avons aussi eu des sueurs froides. Bien sûr, il y a encore des améliorations à apporter mais nous sommes heureux d’avoir réussi à rendre en si peu de temps une première version bien documentée et qui fonctionne !», conclut ClaraVista.

PRIX DE L’INNOVATION
L’application de géolocalisation des écoles de LesFrenchies pour aider les îles des Caraïbes orientales en cas d’urgence

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Légende - PRIX DE L’INNOVATION : LesFrenchies

 

Eux aussi ont impressionné le jury par le niveau de détail de leur projet. En un temps record, l’équipe LesFrenchies a réussi à poser les jalons d’un outil capable de fournir des informations d’urgence en temps réel aux planificateurs de l’éducation de l’OECS et aux citoyens.

Les trois membres de l’équipe se sont rencontrés pour la première fois le soir du lancement du Hacking EDplanning. Tous trois intéressés par ce challenge, ils ont vite compris que leurs compétences complémentaires seraient un atout pour le résoudre. Basée à l’Ile Maurice, Maéva Rouxel est développeuse web. Elle a rejoint Adrien Frumence, qui travaille comme data scientist pour le gouvernement français, et Diana Portela, consultante pédagogique et conceptrice de formations en ligne, issue du monde de l’entreprenariat.

L'OECS est une alliance de onze États situés dans une zone géographique particulièrement exposée aux tempêtes tropicales, aux éruptions volcaniques et à d'autres risques naturels liés au changement climatique. Il est donc important pour les autorités locales et régionales de pouvoir localiser rapidement les écoles et d'être en mesure d'évaluer si elles sont endommagées. « Nous nous sommes projetés dans une solution qui serait destinée à la fois aux particuliers et aux professionnels, évolutive et adaptable à d’autres pays », explique l’équipe.

Outre la possibilité de géolocaliser les établissements scolaires et les services d’urgence à proximité, la solution intègre aussi un volet pédagogique pour faire de la prévention auprès des populations, ainsi qu’un chatbot pour faciliter l’accès aux recommandations officielles en cas d’urgence. Ces fonctionnalités innovantes ont fait mouche auprès du jury.

« Nous sommes fiers, car nous avons réussi à déployer un premier outil open source complet, qui n’a absolument rien coûté. Il sera assez facile de poursuivre le projet car nous avons préparé un cahier des charges assez complet avec les fonctionnalités en cours de développement et celles qui restent à développer », concluent LesFrenchies.

« Je suis très heureux des projets nés de ce hackathon. Imaginez que nous recevons un rapport météo nous annonçant que quelque chose est en train de se passer. Avec ce genre d’outils, les enfants pourraient être informés de l’endroit le plus proche où se réfugier et le chemin à privilégier. Ce type de solutions peut nous permettre de mieux répondre aux urgences mais surtout de mieux les préparer, dès lors qu’il intègre aussi les données historiques sur les événements climatiques pour éclairer les décideurs », a réagi Germain Anthony, Spécialiste technique en éducation à la Commission de l’Organisation des États de la Caraïbe Orientale.

À terme, les prototypes créés lors du hackathon Hacking EdPlanning ont vocation à être développés et concrétisés comme des outils libres et ouverts à tous, destinés en particulier à l’usage des ministères de l’Éducation et des administrations éducatives.