Il est urgent de planifier l'éducation inclusive pour les personnes en situation de handicap

07 Février 2019

Cette tribune a initialement été publiée en anglais par Devex. Elle a été traduite en français par l'IIPE-UNESCO.

Quand vous pensez à une école classique, imaginez-vous des enfants en situation de handicap ? Les installations scolaires sont-elles accessibles à tous les élèves et le matériel didactique est-il adapté aux besoins de chacun ? L'enseignant a-t-il reçu une formation sur la façon de les utiliser ? 

Ces questions ne font qu'évoquer la complexité de la planification de l'éducation inclusive pour les personnes en situation de handicap - un impératif mondial en réponse au fait que les enfants en situation de handicap sont l'un des groupes les plus marginalisés de l'éducation.

Selon le Rapport mondial sur le handicap 2011 de l'Organisation mondiale de la santé, entre 93 et 150 millions d'enfants vivent aujourd'hui avec un handicap. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, le rapport La génération d’apprenants sorti en 2016 estime que 33 millions d'enfants en situation de handicap ne sont pas scolarisés. La stigmatisation et la discrimination, combinées à un manque de données - ce qui les rend difficiles à atteindre - aggravent le problème. 

L'éducation pour l'inclusion des personnes en situation de handicap est un point d'entrée important dans le concept plus large d'éducation pour l'inclusion, que l'UNESCO définit comme le processus consistant à atteindre tous les apprenants en s'attaquant à toutes les formes d'exclusion et de marginalisation, aux disparités et aux inégalités d'accès, de participation et de résultats scolaires. 

Pour les enfants en situation de handicap, cela ne signifie pas seulement l'inscription dans une école ordinaire. Toutes les facettes du système éducatif doivent être abordées afin qu'il puisse répondre de la même manière aux divers besoins de tous ses apprenants. Il n'y a pas de réponse universelle. Chaque pays doit formuler son propre ensemble de solutions qui vont jusqu'au niveau de chaque école. Cependant, il y a quelques idées générales à prendre en compte lors de la planification de l'éducation inclusive pour les personnes en situation de handicap. 

1. Reconnaître que l'éducation inclusive est un droit humain

L'éducation inclusive - et plus particulièrement l'éducation inclusive pour les personnes en situation de handicap - est un droit humain. En fait, 177 pays ont ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, qui appelle à l'intégration des personnes dans la société, y compris dans l'éducation. Les objectifs du développement durable reconnaissent en outre le rôle crucial d'une éducation inclusive et équitable de qualité dans l'édification d'un monde meilleur et plus égal.

2. Encourager une approche à l'échelle du système

L'éducation inclusive exige une approche inclusive. Cela signifie qu'il faut adopter une approche holistique qui tient compte de tout, de l'administration et de la gestion jusqu'à ce qui se passe à l'intérieur et à l'extérieur de l'école. Cela comprend l'examen de la pédagogie et des évaluations, des ressources financières et humaines, ainsi que des questions moins tangibles comme les attitudes et les normes. En même temps, d'autres causes de marginalisation ne peuvent être ignorées, notamment le sexe, le lieu, l'origine ethnique, la langue, le déplacement et la sécurité. Une approche intersectorielle s'impose car les enfants en situation de handicap peuvent également rencontrer des contraintes liées à la santé et aux transports, par exemple. Comme l'a souligné une table ronde technique sur l'éducation inclusive pour les personnes en situation de handicap organisée en 2018 par l'IIPE-UNESCO et l'UNICEF, une réponse efficace nécessite donc la participation de l'ensemble de la communauté, des partenaires du développement, des personnes en situation de handicap, des parents et des autres ministères. Ce type de collaboration a lieu dans un certain nombre de pays, notamment au Cambodge, en Éthiopie, à Fidji, au Ghana, au Népal, en Afrique du Sud, au Viet Nam et ailleurs. 

3. Promouvoir une collecte de données significative pour atteindre l'invisible

Faute de données de qualité sur les enfants en situation de handicap, il est pratiquement impossible de localiser les enfants non scolarisés et de s'assurer que ceux qui fréquentent l'école reçoivent le soutien nécessaire pour réussir. Tant les gouvernements nationaux que les partenaires du développement jouent un rôle de plus en plus important en encourageant la collecte d'informations sur le handicap par le biais d'enquêtes auprès des ménages et de systèmes d'information sur la gestion de l'éducation. Le Groupe de Washington sur les statistiques du handicap et l'UNICEF ont également permis de passer de la catégorisation médicale des handicaps à une focalisation sur les types de difficultés qu'un enfant peut rencontrer en classe. Tout aussi importante est la collecte de données sur l'environnement scolaire, comme l'accessibilité physique des écoles, l'information sur les politiques et les droits inclusifs, le matériel pédagogique, la formation des enseignants et la disponibilité de spécialistes de soutien dans les écoles.

4. N'oubliez pas que c'est la mise en œuvre qui compte vraiment

Nous savons qu'une véritable éducation intégratrice exige une vaste réflexion systémique sur les systèmes éducatifs et les cultures scolaires. Cependant, le test ultime viendra de la façon dont les pays élaboreront, mettront en œuvre et surveilleront les politiques et les plans inclusifs. Les partenaires de développement s'accordent également de plus en plus sur la nécessité d'agir pour aborder la question de l'éducation pour l'inclusion et d'aller au-delà du plaidoyer politique pour passer à la mise en œuvre effective. Sur ce front, l'IIPE-UNESCO travaille avec un large groupe de partenaires - dont le réseau GLAD et l'UNICEF en particulier - pour aider à résoudre les problèmes de planification en élaborant des cours de formation régionaux sur la planification de l'éducation inclusive.

5. Considérez l'éducation inclusive non pas comme un défi, mais comme une opportunité

De plus en plus de gouvernements reconnaissent maintenant les avantages importants de l'éducation inclusive pour tous les membres de la société. Non seulement elle ouvre des portes aux enfants qui ont déjà été exclus, mais elle est plus rentable que les écoles spécialisées qui n'atteignent que de petites populations, favorise la cohésion sociale et permet à tous les enfants et les jeunes d'apprécier la diversité. De nombreux pays n'en sont encore qu'aux premiers stades de la planification, mais la table ronde de juillet dernier a mis en avant plusieurs exemples de progrès, notamment une politique d'éducation inclusive au Ghana, une solide collecte de données aux Fidji et un budget accru pour l'éducation intégratrice dans le nouveau plan sectoriel du Cambodge. 

Partageons ces réussites alors que nous continuons vers 2030. Et, comme le reflète le guide de l'UNESCO pour assurer l'inclusion et l'équité dans l'éducation, ne considérons pas les différences individuelles comme des " problèmes à résoudre ", mais comme des opportunités pour " démocratiser et enrichir l'apprentissage " pour tous.