LA RDP LAO LÈVE LE VOILE SUR LES FINANCEMENTS EXTÉRIEURS

  Par Ousmane Diouf, spécialiste du programme, IIPE 

 

Comment les financements extérieurs complètent-ils le financement public de l’éducation dans ce pays d’Asie du Sud-est ? Où vont les fonds et quel est leur degré de stabilité ? Un projet sur la mise en place des comptes nationaux de l’éducation a permis de faire la lumière sur ces questions essentielles.

Depuis trois ans, la République démocratique populaire lao (RDP) participe à un projet international conçu pour aider les pays à se doter de comptes nationaux de l’éducation (CNE). Parmi les enjeux clés abordés : le volume de dépenses éducatives consenties par le gouvernement et ses partenaires, la finalité de cet investissement et la quote-part moyenne par élève à tous les niveaux de l’enseignement formel et non formel.

LES COMPTES NATIONAUX DE L’ÉDUCATION

Un CNE est un système complet d’information permettant de produire des données fiables et transparentes sur toutes les sources de dépenses d’éducation (gouvernement,ménages et bailleurs de fonds extérieurs) à tous les niveaux. Les pays qui s'engagent à offrir un enseignement élémentaire gratuit et à mettre en place l'agenda pour l’Éducation 2030, plus important, ont tout intérêt à compiler tous les flux financiers dans un cadre cohérent. Mais bien des pays – dont la RDP lao – luttent depuis longtemps contre le manque d’informations sur le financement de l’éducation. Pour y remédier, l’IIPE Paris, l'IIPE-Pôle de Dakar et l’Institut de statistique de l’UNESCO ont lancé ensemble, en 2013, un projet visant à instituer des CNE dans huit pays.

LA SITUATION S’ÉCLAIRCIT

Avant la création du CNE, les responsables éducatifs en RDP lao n’avaient au cune information sur les taux de dépenses aux différents niveaux de l’enseignement ni de données sur le rapport entre financements extérieurs et dépenses publiques. Le CNE a révélé que les données financières sur les projets et programmes gérés en dehors du système national n’étaient pas toujours disponibles et que les interventions des bailleurs de fonds n’étaient pas toujours coordonnées, car souvent fragmentées. Ainsi, entre 2009 et 2014, les versements effectifs des donateurs étaient souvent inférieurs de plus de 40 % à leurs engagements.

UN RECUL GLOBAL DE L’AIDE, SAUF POUR L’ÉDUCATION

En RDP lao, entre 2010 et 2014, l’aide extérieure a chuté, passant de 651,94  à 232,15  millions de dollars. Mais ce recul n’a pas eu d’impact sur le niveau de financement extérieur consacré à l’éducation. En réalité, la part de l’aide allouée au secteur est passée de 5,29 % en 2010 à 13,58 % en 2014.

FINANCEMENT EXTÉRIEUR/PUBLIC

Le CNE visait à déterminer la part des dépenses publiques d’éducation financées par des partenaires au développement. Les données ont révélé une fluctuation des dotations d’une année sur l’autre : en 2009, elles représentaient 24 % du coût total de l’éducation, avant de tomber à 21  % en 2010, et à 15  % en 2011. Mais elles ont atteint un niveau record en 2012, à 25 %, pour retomber ensuite à un niveau plancher de 7 % en 2014.

LES DÉPENSES PUBLIQUES DÉPASSENT LES FINANCEMENTS EXTÉRIEURS

Le CNE a également permis de constater que le financement externe des dépenses d’éducation n’a jamais dépassé 1  % du produit intérieur brut (PIB), soit une contribution inférieure aux dépenses publiques d'éducation, qui sont en augmentation en RDP lao. La hausse la plus notable est intervenue entre 2012 et 2013, lorsque les dépenses publiques ont bondi de 94 %.

OÙ VA LE FINANCEMENT EXTÉRIEUR ?

Le CNE a montré que le financement extérieur en 2014 bénéficie principalement à quatre catégories  : bourses d’études et soutien aux familles  ; matériels pédago giques et d’apprentissage  ; dépenses d’investissement ; autres dépenses de fonctionnement.

Les CNE permettent aussi de chiffrer les dépenses à chaque niveau. En RDP lao, l’analyse de 2014 a montré que la formation technique et professionnelle se taillait la part du lion, chaque élève y recevant en moyenne 407,64 $, soit 71 fois plus qu’un élève du primaire (5,71  $). Si l’on tient compte du financements public, les dépenses par étudiant des filières techniques et professionnelles (919,26  $) restent supérieures à celles des élèves de l’enseignement supérieur (752,01  $) et du primaire (168,22 $).

ALIGNER LES RESSOURCES SUR LES PRIORITÉS

L’élaboration du CNE de la RDP lao a montré que, globalement, les ressources ne sont pas toujours affectées aux priorités. Les décideurs s’efforcent donc d’améliorer la coordination et invitent les bailleurs à mutualiser les fonds pour favoriser une meilleure allocation des ressources. Dorénavant, l’institutionnalisation du CNE constitue aussi un facteur essentiel pour pérenniser le financement de l’éducation. 

 

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