À la rencontre de Safia : réfugiée afghane à la poursuite de ses rêves au Pakistan

06 Avril 2021

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Safia Ibrahimkhel
Safia Ibrahimkhel au Palais des Nations, Genève

Safia Ibrahimkhel se souvient avoir serré ses manuels scolaires et son uniforme contre elle. Elle pleurait. Elle avait peur. Une de ses deux écoles avait été démolie dans un camp de réfugiés à Peshawar, au Pakistan. « Tout avait disparu », se souvient-elle. « Je pensais que je n'allais pas pouvoir terminer mes études, ni poursuivre mes rêves. »

Pourtant, Safia ne s’est pas arrêtée là. Née dans le camp de réfugiés de Kacha Garhi au Pakistan, de parents afghans qui ont fui le conflit dans les années 1990, Ibrahimkhel s'est alors inscrite dans une nouvelle classe de 5e.

« L'école était à une heure de route, mais ma mère m’accompagnait à pied tous les matins ». La peur d'une autre interruption dans ses études persistait, elle a donc décidé de passer un test qui la ferait passer en 3e. « Je voulais terminer mes études le plus rapidement possible. »

Safia Ibrahimkhel a un peu plus de 14 ans lorsqu'elle finit ses études secondaires. Alors que la plupart des filles arrêtent leur scolarisation assez jeune, Safia veut continuer à apprendre et poursuivre sa passion pour les relations internationales. Le soutien de sa famille et de ses enseignants l’a motivée à continuer malgré les tabous de longue date sur l’éducation des filles.

« L'éducation permet de rapprocher les étudiants réfugiés et ceux de la communauté d'accueil. Lorsqu’ils étudient tous ensemble, la communication entre eux est facilitée, ils peuvent se comprendre et cela conduit à une meilleure intégration, à un partage d'idées et à de nouvelles solutions pour leurs problèmes communs. C’est également un bon moyen pour lutter contre la perception négative des réfugiés dans les médias. »

Toutefois, son parcours n’a pas été sans obstacles. « La principale barrière était la langue », dit-elle. « Quand j'étais jeune, je suivais un programme afghan. En arrivant à l'université, je n'étais pas consciente des défis linguistiques qui m’attendaient. Nous avions appris des bases d’ourdou et d'anglais, mais il me fallait désormais des compétences linguistiques avancées ». Elle a également dû faire face à un processus de candidature fastidieux, où elle devait fournir certains documents et certificats d'équivalence pour accéder à l'enseignement supérieur.

Mais elle a persévéré et a réussi à maîtriser l'anglais en seulement un an. En 2014, elle est devenue la première femme de sa famille à accéder à l’enseignement supérieur. Aujourd'hui, âgée de 25 ans, elle est membre du Global Youth Advisory Council de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés et termine sa maîtrise en philosophie à Islamabad avec une bourse pakistanaise pour les étudiants réfugiés. Par la suite, elle veut poursuivre un doctorat et rêve de devenir la première femme ministre des Affaires étrangères d'Afghanistan.

« Je souhaite apporter une perspective féminine à l'élaboration de mesures politiques », dit-elle. « Je veux montrer qu'une femme, lorsqu’elle est en position de leader et en a l’opportunité, peut concrétiser une vision. Et lorsqu'un enfant réfugié - sans identité et sans ressources - peut terminer ses études, il peut accéder à cette position ».

L’histoire de Safia est une source d’inspiration pour les millions de réfugiés privés de leur droit à une éducation de qualité. Dans le monde, 48% des enfants réfugiés en âge d’être à l’école ne sont pas scolarisés et seulement 3% suivent un cursus dans l'enseignement supérieur, selon l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés.

Les défis des apprenants réfugiés au Pakistan

Bon nombre des défis exprimés par Safia Ibrahimkhel sont communs à de nombreux apprenants réfugiés au Pakistan aujourd'hui. L'appui de l'IIPE-UNESCO au plan sectoriel de l'éducation (2020-2025) pour le Baloutchistan, en particulier, en a mis certains au premier plan :

  • Accès limité et faible participation à l'éducation
  • Problèmes d'apprentissage causés par le manque d'enseignants et les barrières linguistiques
  • Barrières culturelles et sociales entravant l’éducation des filles
  • Participation communautaire réduite aux questions d’éducation
  • Opportunités limitées pour l'enseignement secondaire et au-delà

L'IIPE soutient les pays dans la planification de l'éducation des réfugiés

Garantir le droit à une éducation de qualité pour tous - y compris les réfugiés et les enfants déplacés - est une priorité pour l'IIPE-UNESCO. Pour faire avancer ce processus, l'IIPE soutient les pays avec la planification de l'éducation adaptée aux crises. Cette approche aide les planificateurs de l'éducation et les décideurs politiques à atténuer l'impact des crises et à surmonter les inégalités et l'exclusion dans l'éducation, y compris pour des jeunes comme Safia.

L'IIPE étudie également des solutions politiques innovantes pour soutenir les enseignants dans les contextes de réfugiés, ainsi que la conception de parcours d'apprentissage flexibles pour aider les réfugiés et autres apprenants vulnérables à réussir dans l'enseignement supérieur.

Au Pakistan, en particulier, l'IIPE a apporté son soutien à plusieurs plans provinciaux récents du secteur de l'éducation. Par exemple, au Baloutchistan - qui abrite un quart des 1,4 million de réfugiés afghans enregistrés dans le pays - des stratégies visant à aider les réfugiés à accéder à une éducation de qualité ont été mises en place. Celles-ci comprennent l’amélioration des conditions scolaires dans les camps de réfugiés, des manuels en pachtou et en dari pour les écoles primaires, la mobilisation de la communauté pour améliorer la participation des filles réfugiées à l’éducation et de nouveaux quotas pour aider les élèves réfugiés à s’inscrire dans les écoles publiques d’enseignement secondaire ainsi qu’à l’université.