Les États face à l’augmentation du nombre d’étudiants

20 Avril 2017

L'enseignement supérieur est une des pierres angulaires du développement durable. Un nouveau document du Rapport mondial de suivi sur l’éducation (Rapport GEM) et de l’Institut international de planification de l’éducation de l’UNESCO montre que cette volonté est remise en cause par le nombre limité d’étudiants qui peuvent à présent espérer s’inscrire.

> Voir le communiqué de presse

Depuis 2000, le nombre d'étudiants dans le monde a doublé pour s'établir à 207 millions, et la demande concernant l'enseignement supérieur continue à augmenter. Cette croissance dépasse les ressources disponibles, ce qui entraîne souvent une augmentation du coût de l'enseignement supérieur pour les ménages que nombre d’entre eux ne peuvent assumer. Nous demandons prioritairement aux gouvernements de veiller à ce que les remboursements de prêts aux étudiants ne dépassent jamais 15% de leurs revenus mensuels, de manière à ne pas léser les plus désavantagés. 

En analysant les tendances mondiales, ces infographies (Six ways to ensure higher education leaves no one behind,Six façons de s'assurer que l'enseignement supérieur ne laisse personne derrière, en français) montrent que l'expansion rapide de l'enseignement supérieur se produit principalement dans les pays dont la classe moyenne est elle aussi en pleine expansion. Ainsi, la croissance du nombre d’étudiants au cours des 20 dernières années a été de 7% en moyenne dans les pays à revenu intermédiaire, et seulement de 4% dans les pays à faible revenu.

 

Le nombre croissant d’étudiants ne profite pas à tous : seulement 1% des plus pauvres ont passé plus de quatre ans dans l'enseignement supérieur, contre 20% des plus riches. Dans les cas les plus extrêmes, comme les Philippines, les plus riches sont cinquante fois plus susceptibles de faire quatre années d'études supérieures que les plus pauvres.

Les populations défavorisées sont elles aussi perdantes. Au Mexique, moins de 1% de la population indigène est représentée dans l'enseignement supérieur. De même, en Afrique du Sud, où environ un sixième de la population noire et métisse noirs et métis avait suivi un enseignement supérieur en 2013, contre plus de la moitié de la population blanche. En Chine, les jeunes des régions rurales ont quant à eux sept fois moins de chances d'aller à l'université que les ceux vivant en zone urbaine.

Dans les pays les plus pauvres perdurent également des disparités notables entre les sexes. Les femmes ne représentaient ainsi que 30% des étudiants de premier cycle dans les pays à faible revenu en 2014.

Quand on se penche sur les deuxièmes et troisièmes cycles universitaires, on remarque que les disparités entre les sexes y sont de plus en plus importantes dans tous les pays. Si plus de femmes que d'hommes entrent dans l'enseignement supérieur, elles sont sous-représentées (44%) par rapport aux hommes dans la plupart des deuxièmes et troisièmes cycles. 

Bien que cela n'explique pas toutes les disparités, certaines populations défavorisées n’accèdent pas à l’enseignement supérieur pour des raisons économiques. Les gouvernements n’ont pas les moyens financiers nécessaires pour assumer cette augmentation, et cela va aller s’accentuant en raison de la croissance du nombre d’inscriptions. Dès lors, ce financement retombe sur les ménages.

Dans 26 pays d’Europe, par exemple, les ménages ont payé 15% du coût de l'enseignement supérieur en 2011. Dans d'autres pays à revenu élevé, leur participation a été encore plus importante : 40% en Australie, 46% aux États-Unis, 52% en Japon, 55% au Chili. Le coût de l'enseignement supérieur en Chine pour les ménages les plus pauvres représente 187% de leur revenu annuel. Il n'est pas exagéré de dire que le coût très élevé de l'enseignement supérieur peut devenir une entrave pour certains étudiants.

Les gouvernements ont de nombreux instruments de politique publique pour favoriser l'équité et aider les familles à payer non seulement les frais de scolarité, mais aussi les autres coûts liés à l'enseignement supérieur comme les livres, le logement et les transports. Ces outils fonctionnent de concert. Les politiques en matière d'équité permettent aux étudiants d’accéder à l'université tandis que les politiques d'aide financière s'assurent qu'ils peuvent payer leurs études une fois inscrits. Lorsque l'entrée dans l'enseignement supérieur est sélective, par exemple par des examens centralisés, les populations défavorisées y ont de facto moins accès. Des politiques d'action positive peuvent également aider à uniformiser les règles du jeu. Des pays comme l'Inde et le Brésil, où les populations défavorisées sont confrontées à une discrimination de longue date, ont mis en place des quotas d'admission pour ces groupes. De nouvelles règles d'admission dans les écoles d'ingénieurs indiennes ont contribué à multiplier par trois les effectifs défavorisés, par exemple.

 

Nous avons six recommandations spécifiques qui pourraient aider les décideurs politiques à rendre l'enseignement supérieur équitable et abordable pour tous :

1. Garder en ligne de mire ses objectifs : s'assurer que ceux qui en ont le plus besoin bénéficient d'aides

2. L'inscrire dans la loi : garantir ainsi l'équité et l'accessibilité par des cadres réglementaires

3. Intensifier le suivi : créer des agences nationales pour assurer l'égalité des chances

4. Instaurer des critères d'admission variés : pour répondre  à des besoins différents

5. Proposer des aides diversifiées : coordonner ces  aides aux étudiants, notamment pour les prêts et les bourses, via une agence dédiée

6. Limiter les remboursements de prêts étudiants à 15% de leur revenu annuel

 

 

 

VOIR LE DOCUMENT DE POLITIQUE (en anglais)