Les TIC en Amérique latine : planification des politiques pour les situations d'urgence

18 Septembre 2020

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Ruslana Iurchenko/Shutterstock
Deux enfants utilisent un ordinateur.

La pandémie de COVID-19 a obligé les systèmes éducatifs de toute l'Amérique latine à réagir rapidement pour garantir la continuité des apprentissages. Comme dans d'autres parties du monde, les politiques numériques ont joué un rôle crucial. Fernando Salvatierra, expert des technologies de l'information et de la communication (TIC) au bureau de l'IIPE-UNESCO pour l'Amérique latine, rappelle l'évolution des TIC avant cette crise, et ce qui est à venir.

Au cours des années 2000, l'émergence des TIC en Amérique latine a touché toutes les pratiques sociales et a changé la manière dont les politiques publiques ont abordé les défis. Les gouvernements ont commencé à définir des stratégies, des plans et des politiques numériques pour l'éducation, les TIC étant considérées comme un moyen de développement de la société dans son ensemble. La formulation de ces politiques publiques était alors axée sur la réduction de la fracture numérique et la création de sociétés de l'information.

Malgré tous ces efforts, les politiques numériques restent inégales en Amérique latine. La crise éducative provoquée par la pandémie de COVID-19 l'a mis en évidence, notamment en ce qui concerne l'accès, l'utilisation et l'intégration des TIC dans les systèmes éducatifs. Les groupes sociaux les plus défavorisés continuent à être systématiquement exclus d'une éducation de qualité.

Identifier les tendances des 15 dernières années

L'Amérique latine a connu divers cycles de planification de politiques numériques. Nous pouvons en identifier deux. Le premier s’étend de 2005 à 2014 avec une forte émergence des politiques numériques dans l'éducation, ainsi que de nouvelles attentes. Diverses initiatives pour l'incorporation des technologies ont émergé : un ordinateur par élève, des salles de classe mobiles, la mise à disposition d'infrastructures dans les écoles, l'extension de la connectivité. Ces stratégies et mesures révèlent les efforts des gouvernements pour mettre en place des politiques à fort impact social, afin d’améliorer l'inclusion sociale et éducative.

La période 2015-2019 est assez inégale. Certains projets gouvernementaux se sont transformés en politiques d'État, soutenues par différents gouvernements. Cependant, de nombreux pays ont connu un certain ralentissement, voire une stagnation, en matière de TIC dans l'éducation. La mise en place de programmes néolibéraux pendant cette période a particulièrement affecté les efforts entrepris précédemment.  

Un grand nombre d'équipements ont aussi été laissés à l’abandon, et des écoles sont restées sans connexion Internet. Pas uniquement dans des zones rurales ou isolées, mais également dans les zones urbaines. Bien qu’une plus grande partie de la population ait accès à des appareils tels que les smartphones, cela ne devrait pas se traduire par une relégation du rôle de l'État au sujet de ces équipements.

En 2020, un phénomène particulier a brisé l'inertie des années précédentes. En raison de la pandémie, les politiques numériques ont refait surface avec force dans les agendas des gouvernements, pour répondre à l'urgence éducative. Cette résurgence représente une occasion de réexaminer nos systèmes éducatifs, ainsi que les lacunes et les besoins pour planifier l'avenir.

Comment les systèmes éducatifs ont-ils répondu à l'urgence ?

Le système d'information sur les tendances de l'éducation en Amérique latine (SITEAL) de l'IIPE-UNESCO a suivi la situation au niveau régional. Trois tendances fondamentales ont été observées :

  • La création de plates-formes de TIC, où l'accès et la connectivité sont essentiels,
  • La diffusion des programmes par le biais des médias traditionnels tels que la radio et la télévision, pour assurer la continuité pédagogique,
  • Un soutien aux enseignants pour l'enseignement à distance. Il s'agit là d'un élément fondamental à prendre en considération, car les enseignants ont soudainement été affectés dans leur façon de travailler, l'enseignement à distance étant très différent de celui en présentiel.

De même, plusieurs pays se sont concentrés sur deux questions clés en termes d’infrastructures. Premièrement, l'achat et la livraison d'ordinateurs et/ou de tablettes, notamment pour les étudiants et les groupes sociaux qui n'avaient pas accès à d'autres appareils. Deuxièmement, plusieurs pays ont convenu avec les principales entreprises de télécommunications de diffuser des données mobiles sur leurs plateformes éducatives respectives, afin que les étudiants puissent naviguer gratuitement.

Politiques en matière de TIC : au-delà de la salle de classe

L'éducation de base, initiale, primaire et secondaire, dans le monde entier, reste fondamentalement en face-à-face. Et les réflexions sur les politiques en matière de TIC ont toujours été axées sur l'éducation en présentiel, c'est-à-dire sur la technologie en classe. Mais aujourd'hui, nous voyons la technologie comme un outil pour l'enseignement à distance. 

En général, l'expérience de l'enseignement à distance (en ligne) est beaucoup plus fréquente au niveau universitaire. De nombreux enseignants mettent en place des stratégies numériques impliquant des travaux en dehors des horaires de classe (par exemple, des classes inversées). Mais l'élaboration de projets d'enseignement en ligne de qualité demande beaucoup de temps, d'efforts et même beaucoup de travail interdisciplinaire avec des experts.

Une question se pose sur ce que nous connaissons cette année au niveau régional : s’agit-il d’un enseignement à distance ?  A priori, la réponse est négative. C'est pourquoi, dans le monde universitaire, un débat a surgi pour distinguer l'enseignement à distance et l'enseignement à distance en situation d'urgence.

Contrairement aux expériences d'enseignement à distance - qui sont planifiées dès le départ et conçues pour être en ligne - nous pourrions dire que l'enseignement à distance en situation d'urgence est un changement temporaire de l'enseignement en raison d'une crise.

La route vers 2030

Dix ans nous séparent de l'échéance de l'Agenda 2030. À l'IIPE-UNESCO, nous nous concentrons sur l'objectif 4 du développement durable. Au niveau de la planification de l'éducation, nous devons poser les bases pour pouvoir - d'ici 2030 - éliminer les disparités entre les sexes dans l'éducation et assurer l'égalité d'accès à tous les niveaux d'éducation et de formation professionnelle. Une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables, notamment les personnes en situation de handicap, les peuples autochtones et les enfants en difficulté.

La crise actuelle révèle que les politiques numériques dans le domaine de l'éducation doivent encore relever de nombreux défis. Ces politiques seront essentielles pour atteindre les objectifs de l'Agenda 2030. Il sera nécessaire de redoubler d'efforts pour soutenir les politiques en matière de TIC dans l'éducation au cours des années à venir. Nous devrons intégrer la planification pour les contextes de crise, répondre au besoin d'un Internet universel et aller plus loin pour nous aligner sur les discussions mondiales, telles que le big data et l'intelligence artificielle pour la planification et la gestion des systèmes éducatifs.


Cet article a été traduit depuis l'espagnol. Accéder à la version complète ici