Compétences de la vie courante : un buzzword qui doit devenir un principe fondamental

25 Juin 2019

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©PSIPSE/ZACHARY ROSEN

Par Nancy Palmer, The Partnership to Strengthen Innovation and Practice in Secondary Education (PSIPSE) 

Il apparaît de plus en plus clairement que les connaissances académiques ne suffisent pas pour réussir à l’école, au travail et dans la vie. Mais, comme le relève un rapport de la Brookings Institution, « savoir que les enfants ont besoin de certaines compétences pour mener une vie constructive au XXIe siècle ce n’est pas la même chose que comprendre vraiment ce que sont ces compétences, comment elles se développent ou comment elles doivent être enseignées. » 

Ces compétences de la vie courante sont souvent considérées comme un buzzword (un mot de jargon qui serait dans l'air du temps) et balayées d’un revers de la main. Or, si les pays veulent réellement développer un enseignement secondaire de qualité, ils doivent aider tous les jeunes à développer des compétences qui seront utiles et pertinentes dans leur milieu socio-culturel et dans un contexte d’avenir incertain. 

Le Partnership to Strengthen Innovation and Practice in Secondary Education (PSIPSE, Partenariat pour renforcer l'innovation et les pratiques dans l'enseignement scolaire, en français) a commandé une étude approfondie de 18 projets mis en œuvre dans sept pays, sur la façon de concevoir, mettre en œuvre, mesurer et généraliser la préparation à la vie active. En voici trois exemples.

Diagnostiquer systématiquement les compétences de la vie courante dont les jeunes ont besoin

Pour les praticiens de l’éducation et les responsables politiques, approfondir leur compréhension des compétences dont les jeunes ont besoin pour faire leur chemin dans leur situation spécifique est un point de départ important. Il existe deux stratégies à cet effet : l’évaluation des besoins et la planification à rebours, depuis les objectifs stratégiques ou programmatiques jusqu’aux voies à emprunter pour atteindre ces objectifs. Une évaluation inclusive des besoins prenant en compte le contexte permettra de clarifier les compétences jugées utiles par différents acteurs au premier niveau de la mise en œuvre de la politique ou au niveau du programme où le changement aura le plus d’impact. 

Concevoir ainsi les programmes et les politiques contribue à la cohérence du système éducatif en les intégrant d’une manière qui favorise l’apprentissage. Potentiellement évidentes, ces stratégies sont particulièrement importantes dans la mesure où les compétences de la vie courante sont très nuancées. 

Intégrer les compétences de la vie courante dans l’éducation formelle en changeant la façon d’enseigner les principales disciplines

L’éducation formelle reste l’un des moyens les plus efficaces pour toucher le plus grand nombre de jeunes. Mais pour cela, il faut des enseignants motivés qui se sentent soutenus. Or, les enseignants sont souvent surchargés et formés à remplir la tête des élèves d'informations plutôt qu’à faire appel à un large éventail de techniques actives d’apprentissage. Dans son programme d’intégration des technologies de l'information et de la communication à tous les niveaux d’enseignement scolaire, la Global e-Schools and Communities Initiative (GESCI) aide les enseignants à se familiariser progressivement avec les outils informatiques et, ce faisant, à acquérir des compétences spécifiques pour enseigner les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques.

Malheureusement, les examens à enjeux élevés favorisent un enseignement principalement axé sur la préparation des élèves à ces examens. Modifier les évaluations (formatives et sommatives) afin de mesurer ces compétences pourrait inciter les enseignants à cultiver ces compétences, favorisant de ce fait une cohérence entre le contenu de l’enseignement et la façon dont il est enseigné et évalué. C’est ce qu’entend faire le Luigi Giussani Institute of Higher Education (LGIHE) en partenariat avec le Conseil ougandais des examens nationaux. Parallèlement à son travail d’élaboration d’un examen permettant de mesurer des capacités de réflexion d’ordre supérieur telles que la pensée critique, ils aident les enseignants et les directeurs d’école à adopter des pratiques qui développent ces compétences dans toutes les disciplines académiques. 

Compléter l'enseignement en classe par des formations distinctes aux compétences de la vie courante pour soutenir les jeunes marginalisés qui ont des besoins spécifiques.

Il est impossible de faire acquérir en classe toutes les compétences de la vie courante et difficile de construire des relations interpersonnelles solides quand les écoles cherchent avant tout à faire progresser les élèves efficacement dans le cycle scolaire. La plupart des partenaires du PSIPSE organisent des formations spéciales aux compétences de la vie courante et font appel à des mentors externes. Recruter des enseignants – et les former au rôle de mentor – a pour double avantage de développer l’adaptabilité et de réduire les taux de déperdition. L'organisation CorStone a adopté cette approche en Inde pour élargir son programme axé sur la résilience à l’ensemble du Bihar et l’applique également au Kenya. Aflatoun International etKaribu Tanzania Organization ont entrepris de mettre en œuvre, avec les Folk Development Colleges de Tanzanie, un programme qui aide les filles-mères – auxquelles l’accès aux écoles publiques est refusé – à accomplir leur scolarité secondaire et à devenir des adultes autonomes.  

Mais aujourd’hui encore, le développement des compétences de la vie courante pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Répondre à ces questions exigera les mêmes compétences de la vie courante que celles qui sont fondamentales pour permettre à chaque enfant de s’épanouir : créativité, pensée critique, communication et aptitude à résoudre des problèmes.

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Cet article s’inspire largement du travail de l’équipe de Mathematica Policy Research partenaire du PSIPSE qui se consacre aux questions d’apprentissage, notamment Swetha Sridharan, Poonam Ravindranath, Emma Pottinger et Clemencia Cosentino. L’intégralité de l’étude et les résumés destinés aux praticiens et aux responsables politiques peuvent être consultés sur le site du PSIPSE : psipse.org/library