NOUVEAUX OBJECTIFS, MÊMES DÉFIS ?

 

   Par Mariela Buonomo Zabaleta, Spécialiste du programme, IIPE

 

Pour concrétiser le nouvel objectif de développement durable relatif à l’éducation, l’ODD  4, les pays et la communauté internationale devront mobiliser de gros moyens humains, matériels et financiers. Selon l’agenda pour l’Éducation 2030, adopté par 184  États membres en 2015, cela implique «  un financement durable, innovant et bien ciblé, ainsi que des modalités de mise en œuvre efficaces, notamment dans les pays les plus éloignés de la réalisation d’une éducation de qualité pour tous à tous les niveaux et dans les situations d’urgence ». Les défis seront grands car la réalisation de l’éducation pour tous (EPT) a souvent achoppé sur le manquede financement. Avec la place centrale de l’éducation dans les ODD, le financement et la planification de cette vision, plus large et plus exhaustive, exigera un engagement renouvelé des gouvernements, une allocation judicieuse des ressources, des priorités bien définies et des données améliorées sur le montant des fonds et la manière dont ils sont dépensés.

GARANTIR LA GRATUITÉ DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET SECONDAIRE

Plusieurs pays en développement se sont engagés en faveur de la gratuité de l’enseignement primaire énoncé par les objectifs d'EPT. Les ménages supportent les coûts directs et indirects de la scolarité, ce qui constitue un obstacle à l’éducation. Depuis la conférence de Dakar en 2000, plusieurs pays ont abaissé la barrière du coût en supprimant les frais de scolarité au primaire. L'impact a été immédiat sur le niveau général de scolarisation, en particulier parmi certains groupes défavorisés comme les filles et les orphelins. Les leçons tirées de cette stratégie sont d'autant plus importantes pour le nouvel agenda que celui-ci, au-delà de la suppression des droits de scolarité, vise aussi à garantir la gratuité de 12 années d’enseignement primaire et secondaire dans les établissements publics.

LES GOUVERNEMENTS, GARANTS DE L'ÉQUITÉ DU FINANCEMENT 

Pas de droit à l’éducation sans un engagement clair des gouvernements à mobiliser des moyens financiers. La communauté internationale soutient l'idée de consacrer au moins 4 à 6 % du PIB et/ou 15 à 20 % des dépenses publiques à l’éducation. Les contextes nationaux varient, mais la réalisation de l’ODD 4 nécessite une hausse et une optimisation du financement public de l’éducation. Si le niveau global est important, la manière dont les gouvernements investissent dans l’éducation peut également faire la différence.

S'agissant des liens entre moyens financiers et résultats d’apprentissage, la manière compte plus que le volume. Mais dans beaucoup de pays, les ressources publiques ne suffiront pas. Plusieurs projections de coût montrent que certains pays à faible revenu dépendront toujours de sources extérieures pour se rapprocher de l'ODD 4. Éducation 2030 réaffirme la nécessité de rendre l’aide plus efficace, tout en soulignant l’importance de la coopération Sud-Sud et triangulaire dans la mise en œuvre et le renforcement des partenariats multipartites actuels.

ADÉQUATION ET VOLUME DU FINANCEMENT NE VONT PAS TOUJOURS ENSEMBLE 

Le nouvel agenda fait clairement de l'éducation universelle de qualité son objectif ultime. Considérant la qualité comme partie intégrante du droit à l’éducation, ce cadre appelle à des stratégies systémiques plus cohésives et à des modalités de financement adaptées. Il préconise en outre une allocation plus équitable des ressources entre régions et écoles, et mieux ciblée pour contrer les différentes formes de marginalisation.

IMPORTANCE DES MODALITÉS DE MISE EN OEUVRE POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS SECTORIELS 

Certains aspects du financement de l’éducation sont évidents : construire et équiper des écoles, verser les salaires des enseignants et du personnel, ou octroyer des bourses d’étude. D’autres font rarement la une des journaux, mais révèlent clairement l’aptitude d’un gouvernement à tenir ses engagements en faveur de l’éducation : le budget n'est peut-être pas correctement aligné sur les priorités sectorielles et, même lorsque les moyens nécessaires sont budgétés, le niveau d’exécution peut rester faible du fait de problèmes de capacité et institutionnels. Le retard de versement des salaires des enseignants peut perturber les cours ou démotiver le personnel. Il peut exister des difficultés de coordination entre différents acteurs (ministères de l’Éducation et des Finances, par exemple), ou des procédures et mécanismes de financement opaques et peu efficaces, typiques d’un manque de responsabilité. Toutes ces dimensions pèsent lourdement sur l'offre éducative des gouvernements.

DES DONNÉES FINANCIÈRES ABONDANTES ET DE QUALITÉ POUR UNE PLANIFICATION FONDÉE SUR DES ÉLÉMENTS FACTUELS 

Nombre de pays peinent à réunir suffisamment d’informations sur le coût véritable de l’éducation : qui la finance ? Quel est le niveau de dépenses et à quelles fins ? Où vont les fonds ? Qui en sont les bénéficiaires ? À combien s’élèvent les coûts unitaires  ? Autant de questions auxquelles seule une approche globale peut répondre. Soucieux d’introduire des pratiques communes en matière de connaissances optimisées et de responsabilité dans le financement de l’éducation, l’IIPE (en association avec l'IIPE-Pôle de Dakar) a collaboré avec l’Institut de statistique de l’UNESCO sur un projet de comptes nationaux de l’éducation mis en œuvre depuis trois ans dans huit pays, avec le soutien du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE).

Une planification fondée sur des éléments factuels nécessite aussi des systèmes d’information cohérents et interconnectés rassemblant des données sur les financements, la gestion, les ressources humaines et la qualité. Mais elle exige également des capacités adaptées en termes de préparation budgétaire, de gestion financière et de suivi des performances.

Des systèmes d’information plus fiables conforteraient le suivi de la planification sectorielle ainsi que l’évaluation de la rentabilité de stratégies alternatives visant à atteindre les objectifs sectoriels. Ce n’est qu’en tenant compte des multiples facettes du financement de l’éducation que nous parviendrons à financer un système capable d’aider les prochaines générations à s’épanouir pleinement. 

 

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