Que représente l’école pour les enfants marginalisés des pays à faible revenu ?

S’appuyant sur l’ouvrage Learning at the bottom of the pyramid à paraître, Sylvia Shmelkes explique pourquoi il faut non seulement mesurer les résultats d’apprentissage, mais aussi évaluer les progrès accomplis dans la lutte contre les facteurs qui font obstacle au droit à une éducation de qualité pour tous.

Tous les enfants apprennent. Apprendre et s’épanouir sont synonymes, comme l’a dit la chercheuse argentine Emilia Ferreiro. Les enfants apprennent de façon informelle par l’observation, l’imitation et l’expérimentation. Ils apprennent en écoutant et en faisant. En milieu rural et au sein des populations marginalisées, c’est la principale façon informelle d’apprendre chez les enfants du fait qu’ils ont moins accès aux médias, à Internet, aux livres, aux théâtres et aux musées. Le potentiel d’apprentissage est infini. Ce qui est limité, ce sont les moyens déployés.

L’enseignement scolaire formel permet d’apprendre ce qu’il est difficile d’acquérir sans une méthodologie systématique (pédagogie) consistant à introduire progressivement des tâches intellectuelles de plus en plus difficiles. C’est le cas de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, de la formalisation des quatre opérations mathématiques de base et du développement progressif d’aptitudes à raisonner d’ordre supérieur. L’école est également un environnement privilégié pour apprendre à vivre ensemble (voir le rapport L’Éducation : un trésor est caché dedans, UNESCO, 1998). L’école développe également l’identité, l’estime de soi et le sentiment d’appartenance au-delà du cadre strict de la famille et de la communauté immédiate, bien que ce ne soit pas toujours de façon adéquate et équitable. Ces objectifs et d’autres encore, comme comprendre le milieu naturel et social dans lequel nous vivons, sont la raison d’être de l’enseignement scolaire.

Or, dans les régions marginalisées des pays en développement, même si les enfants vont à l’école, ils apprennent peu de choses, que ce soit en lecture, en mathématiques et, dans certains cas, en sciences, matières dans lesquelles les élèves passent généralement les examens standard. Les études sur les causes de ces mauvais résultats d’apprentissage mettent en évidence des facteurs liés notamment à la pauvreté, au travail des enfants, à la malnutrition et à l’éloignement géographique de l’école. De nombreux facteurs relèvent aussi de l’offre éducative, comme les mauvaises conditions d’apprentissage, la formation insuffisante des enseignants, l’enseignement dans une langue autre que la langue maternelle des enfants et une pédagogie inadaptée, qui n’établit pas de lien entre ce qui est enseigné et le contexte immédiat des enfants ainsi que leur culture. Il est toutefois intéressant de noter que, si l’on prend tous les examens standards passés dans le monde, il y a toujours un petit pourcentage d’élèves et d’écoles qui obtiennent de bons résultats, voire des résultats exceptionnels. Et cela, indépendamment du degré de marginalité de la localité ou de la situation socio-économique de la famille, voire en présence d’élèves appartenant à une culture minoritaire et parlant une langue différente de la langue dominante du pays. Cela prouve à la fois que n’importe quel enfant peut apprendre, mais aussi que l’école joue un rôle majeur.

Le facteur le plus influent du côté de l’offre, compte tenu des conditions d’enseignement et d’apprentissage, est probablement lié à la capacité de rendre l’enseignement pertinent et l’apprentissage utile. Cela suppose la participation de la communauté immédiate, la capacité de la direction de l’école à créer une culture scolaire adéquate, et un niveau adéquat de formation et d’efficacité pédagogique des enseignants. Certaines situations nécessitent des politiques intersectorielles pour réduire la pauvreté et lutter contre le travail des enfants, ou encore pour s’attaquer aux problèmes de malnutrition et de santé.

Quand on se fonde sur les résultats aux examens standards pour étudier l’échec scolaire, c’est la fin d’un processus complexe que l’on analyse. Nous ne pouvons continuer à nous fonder exclusivement sur la mesure des résultats d’apprentissage pour rendre compte des progrès accomplis dans le monde afin d’améliorer la qualité de l’éducation. Nous devons également déterminer si nous prenons en compte les facteurs qui peuvent conditionner les mauvais résultats et qui font en fait obstacle au droit de nombreux enfants à une éducation de qualité.

 

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