Subventions aux écoles : Le récit de l’école Bleue au Togo

22 Novembre 2016
En 2015-2016, l’IIPE-UNESCO a coordonné un projet de recherche sur l’utilité et l’utilisation des subventions aux écoles avec le soutien du Partenariat Mondial pour l’Education (GPE) à Haïti, Madagascar, en République démocratique du Congo et au Togo. Dans chaque pays, les équipes de recherche ont mené des entretiens dans quinze écoles. Découvrons les changements apportés par l’introduction des subventions dans le quotidien de l’école Bleue, au Togo.

Un jour à l’école Bleue

L’école Bleue est située dans une petite ville à une vingtaine de kilomètres au nord de la capitale du Togo, Lomé, dans une zone périurbaine. Les enfants scolarisés dans cette école sont issus de familles pauvres, principalement des petits commerçants et des fonctionnaires. Le fonctionnement de l’école est précaire. Certains enseignants sont obligés de faire classe dehors, sous des appâtâmes. De nombreuses classes sont surpeuplées avec parfois trois ou quatre élèves par table-banc, et certains sont contraints d’étudier à même le sol ou exposés au soleil. Les classes manquent.
Il n’y a pas assez de bancs, les enfants travaillent par terre, explique le président du comité de gestion de l’école.

Depuis 2008, l’école reçoit une subvention de l’Etat. Elle a également reçu de 2010 à 2014 une autre subvention appelée PERI, octroyée par les partenaires internationaux.

Quels sont les changements apportés par les subventions à l’environnement d’apprentissage et de travail des enseignants ?

D’abord, grâce à la subvention d’investissement du PERI, la communauté a pu construire un nouveau bâtiment scolaire en 2011. Ensuite, avec l’actuelle subvention d’Etat, les enseignants peuvent enseigner dans des meilleures conditions, et les élèves bénéficier d’un meilleur environnement d’apprentissage. L’école peut notamment davantage se fournir en manuels et en matériel scolaire.
Aujourd’hui, le directeur et le comité de gestion de l’école expliquent que le montant de la subvention de l’Etat est insuffisant. Le président du comité de gestion le constate :

L’argent ne suffit pas même pour l’achat de la quantité de fournitures nécessaire. Le montant est insignifiant.

 
Quels sont les changements apportés par les subventions pour les parents ?

Au Togo, les résultats sont mitigés. Les subventions ont permis de mieux respecter le principe de gratuité de l’enseignement primaire, inscrit dans la constitution depuis 1975 mais introduit seulement à la rentrée 2008. Il existe une interdiction formelle de collecter des cotisations parentales dans les écoles.
Cependant, les besoins de l’école sont pressants. La secrétaire de l’association des parents d’élèves s’en inquiète :
 L’inspection à Tsévié nous a dit que les cotisations parallèles sont terminées. Mais comment va-t-on faire ? Il y a des classes avec 100 enfants !  


At the Blue School classes are overcrowded


Malgré cette interdiction, les parents continuent de contribuer au budget de l’école, car la subvention est insuffisante. La secrétaire de l’association des parents d’élèves explique que les parents peuvent choisir de participer ou non selon leurs moyens. En réalité, la grande majorité des parents cotisent malgré tout, ce qui handicape les ménages les plus pauvres, et n’encourage pas la scolarisation des enfants de la cité hors de l’école. Ils arrivent aussi qu’ils contribuent en plus par des prêts de matériel ou du travail manuel dans l’école ou la cour. Outre la contribution au budget de l’école, ils doivent aussi financer le petit matériel de leurs enfants (cahiers, crayons, ardoise).

Comment les acteurs au sein de l’école prennent les décisions pour l’utilisation de la subvention ?

Au sein de l’école, c’est le comité de gestion dont le directeur est membre, qui décide de l’utilisation des fonds en établissant un programme de dépenses selon les besoins des écoles. Les informations sont ensuite partagées avec les parents. J’appelle les enseignants, le comité de gestion et on se retrouve pour identifier les besoins. Ensuite, on fait une assemblée générale avec les enseignants et les parents, pour valider le projet de budget. Les parents jouent dans cette école un rôle plutôt consultatif. Le directeur et le comité de gestion les informent des décisions envisagées, mails ils restent relativement écartés de la gestion du budget de l’école.
C’est qu’explique le président du comité de gestion :

C’est le comité de gestion qui décide de l’utilisation des fonds. Si le directeur veut faire seul, alors il y a un problème. S’il y a un problème, il faut que les parents viennent nous voir. A chaque occasion on leur rappelle ça.


Comment les acteurs au sein et à l’extérieur de l’école contrôlent l’utilisation de la subvention ?

Le contrôle de l’utilisation de la subvention et des dépenses effectuées par le directeur de l’école s’effectue dans un deuxième temps par la commissaire aux comptes du comité de gestion de l’école. Dans cette école, ce rôle est assuré par une enseignante: Le rôle du commissariat aux comptes du comité de gestion est de contrôler comment on gère les subventions. Je prends les reçus, je vérifie les dates, je vais me renseigner aux magasins qui ont livré.

Les parents d’élèves et l’association des parents ne participent pas au contrôle des affaires financières de l’école. Ils sont mal informés des mécanismes de distribution de la subvention, et relativement écartés des grandes décisions. Le directeur de l’école est ensuite tenu de transmettre un rapport des dépenses de son école au comptable de son inspection. Les visites de l’inspecteur et du comptable sont rares, pour des raisons financières d’éloignement géographique. Seulement deux visites par an en moyenne se font pour s’assurer de la bonne réception et utilisation de l’argent.

Ils viennent, demandent « Est-ce qu’on peut jeter un coup d’œil sur les règles ? Avez-vous reçu des bics ? » explique le directeur.

Quels sont les points forts et les défis des subventions ?

Des tensions et des conflits sont apparus dans l’école depuis l’arrivée des subventions. Les parents et la communauté donnent difficilement leur confiance au comité de gestion et au directeur qui le préside. Le manque de transparence et de communication sur l’argent disponible et utilisé dans l’école rend les parents suspicieux. Malgré les éventuels conflits, les formations délivrées dans le cadre du programme PERI ont permis de mettre sur pied et de développer les compétences des membres du comité de gestion. Le directeur se sent moins seul et plus soutenu, tout en étant plus contrôlé.

Quelles sont les améliorations pour les élèves ?

Les parents s’accordent à dire que les subventions aux écoles ont contribué à un meilleur accès à l’école et une plus grande équité. Les filles et les enfants des ménages le plus défavorisés sont davantage scolarisés. De plus, la disponibilité des manuels scolaires a été améliorée, les enfants apprennent dans de meilleures conditions.
Cependant, certains défis subsistent. L’inspecteur explique que l’insuffisance des montants de la subvention n’est pas parvenue à changer la dynamique de l’école, notamment sur l’amélioration de la qualité. Il explique :

Les subventions ont permis d’améliorer l’accès de l’éducation, un peu moins la qualité. Les moyens ne suffisent toujours pas ; il y a toujours un besoin de salles de classe, de mobilier, de manuels.