Supérieur : croissance et avenir durable

  Par Taya Owens, UNESCO, Rapport mondial de suivi sur l'éducation (Rapport GEM)

 

La demande mondiale d’enseignement supérieur s’accroît. Il est grand temps de repenser les programmes afin que les campus restent adaptés aux besoins. 

On assiste actuellement à une croissance sans précédent des effectifs de l’enseignement supérieur. Entre 2000 et 2014, le nombre d’étudiants inscrits dans des établissements d’enseignement supérieur du monde entier a plus que doublé, passant de 100 millions à 207 millions. Pendant cette période, le taux brut mondial d’inscription dans l’enseignement supérieur est passé de 19 % à 34 %. 

Comme pour tous les chiffres mondiaux, ces données cachent des disparités importantes entre régions : le taux d’inscription le plus élevé varie entre une moyenne de 8 % en Afrique subsaharienne et 75 % en Europe et en Amérique du Nord. Cela dit, au cours des deux dernières décennies les effectifs de l’enseignement supérieur ont progressé également dans les régions peu prospères où, depuis 1995, les taux d’inscriptions dans l’enseignement supérieur ont augmenté en moyenne de 4 % par an, correspondant au taux de croissance moyen mondial.

Il y a plusieurs raisons à cette progression générale des taux d’inscription, la hausse de la demande bien sûr, mais aussi l’augmentation de la richesse, des politiques gouvernementales plus favorables et une prise de conscience accrue en matière d’équité sociale. L’augmentation de la demande d’enseignement supérieur émanant des classes moyennes est importante. Le nombre croissant de jeunes accomplissant le cycle d’enseignement primaire et secondaire contribue également à cette hausse de personnes accédant au supérieur, de même que l’augmentation du nombre d’étudiants non conventionnels, notamment les étudiants à temps partiel et les adultes en activité. Les adultes (de plus de 25 ans) représentent plus d’un tiers des étudiants inscrits en premier cycle universitaire dans 10 pays européens, tandis que dans cinq pays européens, au moins un étudiant sur quatre est inscrit à temps partiel. 

Refondre les programmes pour répondre aux exigences d’un avenir orienté vers le développement durable

Admettre davantage d’étudiants pourrait ne pas être suffisant pour édifier des sociétés viables et prospères. Le Rapport mondial 2016 de suivi sur l’éducation montre que, d’ici 2020 et face à une demande forte, il pourrait y avoir un déficit de 40 millions de travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur. En attendant, les inscriptions dans l’enseignement supérieur sont actuellement axées sur des cursus universitaires qui correspondant à une demande relativement faible du marché du travail, en particulier en sciences sociales et humaines. 

Tous les regards sont tournés vers les universités et les établissements d’enseignement supérieur qui doivent refondre leurs programmes pour répondre aux exigences d’un avenir plus soucieux de l’environnement. Les entreprises vertes, qui emploient d’ores et déjà des millions de personnes, et ce pas uniquement dans les pays à revenus élevés, sont appelées à connaître une forte croissance à l’avenir. Il y aura de nouvelles créations d’emplois dans le secteur des entreprises vertes, tandis que d’autres emplois disparaîtront. Ces mutations exigeront un recentrage majeur sur le développement des compétences dans un certain nombre de filières universitaires et professionnelles. Des personnels hautement qualifiés ou possédant une formation technique sont nécessaires pour dynamiser les industries durables et respectueuses de l’environnement. Par ailleurs, des possibilités de formation et d’éducation continues pour les salariés peu et moyennement qualifiés des industries « vertes » existantes doivent voir le jour.  

Investir dans les connaissances et une recherche responsable

L’innovation nécessite la coopération entre l’enseignement supérieur et la R&D (recherche et développement) financée par des fonds publics. Pour développer de nouvelles technologies, l’enseignement supérieur doit former suffisamment de chercheurs et de développeurs dotés de connaissances et de compétences spécialisées. 

Les systèmes d’innovation écologique sont tributaires des fonds publics dans la mesure où le secteur privé est souvent incapable ou peu enclin à investir dans les technologies vertes, en particulier aux premiers stades de leur développement. Les dépenses publiques en R&D dans les domaines de l’énergie et de l’environnement ne représentent qu’une petite fraction des crédits publics totaux consacrés à la recherche – en moyenne moins de 6 % dans l’UE, moins de 12 % dans l’OCDE. En comparaison, aux États-Unis les dépenses publiques en R&D militaires sont 30 fois supérieures à celles de la R&D dans le domaine de l’énergie. 

Pour former suffisamment de chercheurs et de développeurs dotés de connaissances et compétences spécialisées dans de nombreux domaines, il faut que les systèmes d’enseignement supérieur élaborent des programmes à la fois diversifiés et spécifiques, ainsi que des programmes d’étude coopérative dans tous les domaines. C’est dans cet esprit que les grandes économies émergentes, comme le Brésil et la Chine, sont en train de développer leur enseignement tertiaire. 

Les nouveaux Objectifs de développement durable (ODD) nécessitent un réalignement de l’enseignement et de la formation pour répondre à l’évolution du travail. L’augmentation soutenue des effectifs de l’enseignement supérieur ouvre d’extraordinaires perspectives pour bâtir un avenir prospère, inclusif et durable pour tous. Il est temps de transformer les systèmes d’enseignement supérieur et de les recentrer afin de doter les étudiants des compétences que requiert une économie durable et respectueuse de l’environnement. 

 

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