Une opportunité de maximiser l’impact de l’enseignement secondaire en Afrique

25 Juin 2019

mcfkampala_huxta164_1.jpg

©INTERSECT MEDIA FOR MASTERCARD FOUNDATION

Par Kim Kerr, Directeur, Programmes régionaux, Fondation Mastercard

 

Nous sommes à un tournant majeur de l’histoire de l’Afrique, avec les chances extraordinaires qu’offre une forte population jeune, mais faisons-nous tout ce que nous pouvons pour préparer ces jeunes aux emplois de demain ?

Faire en sorte que les jeunes Africains accèdent à l’emploi ou puissent créer des activités leur assurant des moyens de subsistance est sans doute la difficulté la plus importante à laquelle sont confrontés aujourd’hui les responsables politiques africains. La population africaine en âge de travailler devrait croître de 70 % (soit 450 millions de personnes) entre 2015 et 2035 (source : Banque mondiale). Entre 10 et 12 millions de jeunes Africains arrivent chaque année sur le marché du travail alors que seulement 3,1 millions d’emplois sont créés. La majorité des jeunes se retrouvent de ce fait sans emploi ou sous-employés (source : Banque africaine de développement). La révolution numérique, l’automatisation et le progrès technologique modifient la nature du travail partout dans le monde, y compris en Afrique, entraînant une augmentation de l’incertitude et une accélération du changement. Les compétences qui aident les jeunes à s’adapter, à être résilients et créatifs pour résoudre les problèmes en auront d’autant plus d’importance.

Repenser l’enseignement secondaire et l’envisager comme une plate-forme d’accès à l’emploi représente un changement de paradigme radical. Jusque-là, l’enseignement secondaire était considéré en Afrique subsaharienne essentiellement  comme  un  tremplin  pour  l’enseignement supérieur. Compte tenu de l’augmentation des taux de scolarisation et d’achèvement du cycle secondaire ainsi que du faible nombre d’inscriptions dans l’enseignement supérieur sur le continent, l’enseignement secondaire sera de plus en plus un tremplin clé pour accéder au marché du travail. En modifiant les programmes scolaires et en investissant dans l’élargissement de l’accès à l’enseignement secondaire, on permettra aux jeunes Africains de jouer un rôle central dans l’accomplissement de la vision de la transformation économique de l’Afrique, telle que l’ont exprimée les responsables africains actuels dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine À la Fondation Mastercard, nous pensons qu’un enseignement secondaire pertinent et de qualité est la clé pour former une main-d’œuvre qualifiée et capable de s'adapter. Cette certitude nous l’avons acquise non seulement par notre travail sur le terrain dans la région, mais aussi grâce aux données exposées en détail dans notre rapport, Secondary Education in Africa: Preparing Youth for the Future of Work.

Dans ce rapport, nous évoquons plusieurs lacunes majeures concernant les compétences dont les jeunes ont besoin pour réussir dans un monde du travail en constante mutation. Il s’agit notamment des compétences de base, de la maîtrise des technologies numériques et des compétences du XXIe siècle. Selon des projections à l’horizon 2030, l’emploi formel ne progressera pas suffisamment vite pour absorber une population croissante et la plupart des jeunes resteront dans le secteur informel pendant toute leur vie active. Dans ce contexte, les compétences entrepreneuriales, en particulier pour créer une entreprise, seront également critiques. 

Par ailleurs, seul un tiers environ des jeunes d’Afrique subsaharienne ont actuellement accès à un établissement secondaire. Les jeunes filles, notamment, courent le risque de ne pas pouvoir accomplir l’intégralité de leur scolarité secondaire. Elles sont en outre davantage susceptibles de ne jamais pouvoir faire la transition vers une activité professionnelle à cause des mariages et des maternités précoces, deux obstacles supplémentaires à leur accès à l’emploi. Dans certains pays, les normes sociales imposent la ségrégation fondée sur le genre dans le milieu professionnel, ce qui limite encore plus les possibilités pour les femmes de trouver des emplois plus productifs. Par exemple, la plupart des jeunes femmes employées dans des entreprises familiales travaillent dans des domaines étroitement définis, comme la confection ou la coiffure, alors que de nombreux autres métiers leur offriraient un revenu supérieur. Par ailleurs, les jeunes scolarisés de première génération qui sortent de l’école et aspirent à trouver un emploi salarié n’ont ni un passé familial dans l’emploi formel ni, dans la majorité des cas, les réseaux ou le capital social qui les aideraient à trouver un emploi. Combler ces lacunes pourrait donner aux jeunes Africains de nouvelles chances de se construire un avenir plus radieux, tout en apportant une contribution durable à la croissance économique.

Dans ce rapport, les responsables politiques et les acteurs de l’éducation trouveront des recommandations concrètes et des exemples de bonnes pratiques pour aider les jeunes à se préparer à l’environnement professionnel actuel, complexe et en perpétuelle mutation, en ne laissant personne de côté. Réformer l’enseignement secondaire afin de permettre aux jeunes d'acquérir les compétences dont ils ont besoin pour réussir sur le marché du travail et créer leur entreprise aura également des retombées positives sur les économies nationales. Sans se substituer aux politiques gouvernementales visant à stimuler la création d’emplois, développer les compétences de l’énorme cohorte de jeunes Africains pour améliorer leur productivité est un moyen de booster la croissance économique. C’est aussi un moyen de faire reculer la pauvreté et d’améliorer la qualité de vie des jeunes et de leurs familles. Des éléments permettent par ailleurs d’établir un lien entre l’élévation du niveau d’éducation et le déclin de l’emploi informel ; par conséquent, renforcer la productivité des jeunes en améliorant leurs compétences permettra également de créer des emplois (OIT ; ACET).

En poursuivant leurs investissements dans l’enseignement secondaire et leurs initiatives de réforme, les gouvernements africains ne doivent pas perdre de vue l’échelle du problème. Si les gouvernements doivent s’attacher dans le monde entier à adapter leurs systèmes éducatifs à la demande du marché, la complexité, l’ampleur et l’urgence des problèmes en Afrique subsaharienne revêtent un caractère spécifique. L’orientation de plusieurs pays de la région vers une expansion massive de leur enseignement secondaire est une formidable occasion de réfléchir aux compétences que les jeunes doivent acquérir et aux moyens à mettre en œuvre à cet effet. Ces évolutions sont cruciales si l’on veut que les sociétés soient en mesure de relever les défis que posent le caractère évolutif du travail, les inégalités croissantes et le développement durable. C’est maintenant qu’il faut agir.

En savoir plus sur le projet et accéder au prochain rapport (en anglais) : https://mastercardfdn.org/research/secondary-education-in-africa/