Vers un universalisme progressif : pour que tous les enfants puissent aller à l’école et apprendre

05 Juillet 2017

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Professor Pauline Rose from the University of Cambridge.
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Professor Pauline Rose from the University of Cambridge.
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Professor Pauline Rose from the University of Cambridge at IIEP-UNESCO.

Le monde ne peut plus ignorer les preuves de plus en plus nombreuses. Les enfants les plus désavantagés, en particulier les filles vivant dans des zones rurales, pauvres et les enfants souffrant de handicap – n’accèdent pas à l'éducation comme ils le devraient ou n’apprennent pas aussi vite que les autres. 

« Les plus défavorisés sont en général ceux qui présentent des résultats d'apprentissages les plus faibles et donc apprennent le moins. Moins d’un enfant pauvre sur quatre acquiert les savoirs fondamentaux », explique Paule Rose, de l’université de Cambridge, où elle exerce également la fonction de directrice du Research for Equitable Access and Learning (REAL) Centre (Centre de ressources pour un accès et des apprentissages équitables). 

 


Au cours du dernier Débat stratégique de l’IIPE, le 18 mai 2017, Pauline Rose a présenté un plaidoyer passionné expliquant pourquoi il fallait agir et pourquoi les données ne pouvaient plus être ignorées. 

« Si nous continuons comme si de rien n’était, nous allons avoir un sérieux problème, » disait-elle, mettant en avant le vaste écart, en termes de résultats des apprentissages, entre les élèves les plus fortunés et les plus pauvres. 

« Si nous voulons atteindre cet objectif (ODD 4) d’ici à 2030, il est clair que nous devons accélérer les progrès des enfants les plus défavorisés, et ce, plus rapidement que celui des plus riches. Malheureusement, nous savons par expérience que c’est l’inverse qui se produit. »

 

Regardez la vidéo du débat ici (en anglais) :


Prenons le cas du Liberia où moins de dix dollars sont dépensés pour chaque enfant pauvre alors que cent dollars sont dépensés pour un enfant riche. Certes le Liberia est le cas le plus extrême, mais une majorité de pays investissent de la même façon : plus de moyens sont mis au service des élèves les plus avantagés. 

 

Priorité aux plus vulnérables 

Pour que tous les jeunes aient une éducation de qualité d'ici à 2030, Pauline Rose appelle à un universalisme progressif donnant la priorité aux enfants défavorisés (enfants pauvres, handicapés et ceux provenant des zones rurales), tout en maintenant un engagement pour tous les enfants.

«Nous devons être réalistes concernant les ressources que nous possédons et nous devons déterminer comment les utiliser le mieux possible», a déclaré Mme Rose.

Le rapport Learning Generation de la Commission pour l'éducation (The Education Commission) – auquel Pauline Rose et le Centre REAL ont contribué – appuie également cette idée de consacrer les ressources disponibles pour les plus vulnérables.

Le rapport exhorte les dirigeants du monde entier à concentrer leurs efforts et leurs ressources vers ceux qui risquent de ne pas apprendre. Cependant, à maintes reprises, nous voyons que les élèves pauvres ne font pas partie des priorités et sont laissés de côté.

« Les dépenses gouvernementales dans la plupart des pays favorisent fortement les plus riches et les plus instruits, et en général à des niveaux supérieurs d'éducation », indique le rapport. « En moyenne, dans les pays à faible revenu, 46 pour cent des ressources d'éducation publique sont alloués au 10 pour cent des étudiants les plus instruits ».

Agir avant qu'il ne soit trop tard 

C’est dès le plus jeune âge que les enfants les plus vulnérables doivent être pris en charge. Ce qui se passe dans les premières années d'école a un impact profond sur la réussite scolaire au cours des années suivantes. Cela peut également avoir un impact sur le suivi ou non d’études supérieures par la suite.


En utilisant les données de l'Inde rurale, Pauline Rose a montré comment les étudiants les plus pauvres arrivent, en termes de résultats, derrière les élèves les plus riches, qui eux, maîtrisent les connaissances fondamentales. 

Cependant, lorsque les élèves les plus pauvres ont des possibilités scolaires similaires à celles de leurs pairs plus aisés, ils sont plus susceptibles d'obtenir les mêmes résultats. 

Par exemple, l'écart de réussite scolaire entre les élèves aisés et les élèves défavorisés en Tanzanie, au Kenya et en Ouganda est passé de 20 à 25 points de pourcentage à environ dix points de pourcentage lorsque ces élèves sont allés dans la même école. Cet écart s’est réduit de cinq points de plus lorsque les élèves ont partagé la même classe.

« Lorsque les enfants défavorisés sont dans la même école, avec les mêmes ressources, les mêmes enseignants et la même infrastructure que les élèves plus aisés, ils ont quasiment les mêmes chances en termes d’apprentissages », a déclaré Pauline Rose« c’est un message très important ».

 

Ne laisser personne de côté

La transition des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) aux Objectifs de développement durable (ODD) a opéré un changement en passant d’un focus uniquement sur l'accès à l'éducation à un focus sur la qualité de l'éducation. Là encore, Pauline Rose appelle à une grande précaution pour ne pas crier victoire trop vite. 

Si on regarde le Pakistan, où la crise de l'éducation est souvent citée dans l’actualité internationale, 40 pour cent des filles les plus défavorisées vivant en zone rurale ne sont pas scolarisées. Pour celles qui sont scolarisées, seulement la moitié apprend les connaissances de base, a déclaré Pauline Rose.

Alors que le Pakistan est un cas particulièrement préoccupant, il montre clairement que l’objectif d’accès à l'éducation pour tous est loin d'être atteint. Aussi, les conversations autour de l'accès à l’éducation doivent être mieux définies. Il ne s'agit pas seulement de la question de l'éducation des filles, mais de savoir quelles filles sont laissées de côté ?


Heureusement, il existe un ensemble croissant de données et de méthodes de collecte de données qui peuvent aider à y répondre et à savoir en général quels enfants sont laissés de côté. On constate par exemple qu’il peut s’agir en partie des étudiants handicapés, qui ont longtemps été absents à la fois des débats politiques nationaux et laissées à l’écart des opportunités d'éducation.

« Il est possible d'identifier les enfants handicapés. Dire que nous ne pouvons pas le faire n'est plus une excuse », a déclaré Pauline Rose, illustrant comment des groupes tels que The Annual Status of Education Report (ASER) au Pakistan incluent désormais des identifications liées au handicap dans leurs ensembles de données.

Les résultats peuvent être révélateurs. Par exemple, fréquemment les parents d'enfants handicapés veulent qu'ils s'inscrivent à l'école, contrairement à la croyance populaire. Cependant, une fois à l'école, les étudiants handicapés sont souvent confrontés à un environnement qui n'est pas propice à l’apprentissage et à leurs besoins spécifiques, a déclaré Mme Rose.

 

Rendre les données utiles    

Dans l'ensemble, il y existe aujourd’hui beaucoup de données permettant de savoir quels enfants sont scolarisés et quels enfants apprennent les fondamentaux. C’est un gros progrès par rapport à avant. Par exemple, il ne s'agit plus de regarder seulement des élèves riches et pauvres, mais aussi de faire une analyse en fonction du genre, de l’endroit où ils habitent ou de leur situation de handicap. Ces données doivent être utilisées pour informer les politiques au niveau local, national et mondial. Les progrès doivent être également suivis dès les premières années, a déclaré Pauline Rose, et les désavantages abordés – à travers une meilleure utilisation des ressources et des politiques éclairées - avant qu'il ne soit trop tard. Tout cela ensemble peut poser les bases de la réussite scolaire future, non seulement pour chaque étudiant, d’un point de vue individuel, mais également pour les générations à venir.


Téléchargez la présentation complète (en anglais) de Pauline Rose ici.

 

Lire la suite: Five steps to achieving the goal of educating every child in the world, par Pauline Rose. The Guardian.