ARBITRAGES DANS LES POLITIQUES ÉDUCATIVES

   Par Jonathan Jourde, responsable communication, IIPE Pôle de Dakar

 

Les ambitions politiques et les attentes élevées entrent souvent en conflit avec les ressources limitées, lorsqu'il s'agit de définir des objectifs de politique éducative. Tout processus de décision politique cherche à réconcilier ces deux aspects en procédant à des arbitrages.

La définition des objectifs de politique éducative passe inévitablement par une confrontation avec les réalités budgétaires. Il s’agit d’identifier les objectifs de politique éducative réalisables et les moyens à privilégier pour les atteindre. Cet exercice de balance entre scénarios menant aux objectifs du secteur de l’éducation constitue les arbitrages dans les politiques éducatives. Cela implique de mettre le doigt sur les besoins de chaque niveau d’éducation –  depuis la petite enfance jusqu'à l’enseignement supérieur – et d’évaluer les coûts qui y sont associés. L'évaluation de ces besoins et l’estimation des coûts des options de la politique éducative font partie intégrante des actions que l'IIPE-Pôle de Dakar mène pour soutenir les équipes nationales. L’exercice d’évaluation des besoins repose sur un modèle de simulation financière des principaux indicateurs du système éducatif, qui peut contenir plusieurs centaines d’hypothèses et objectifs à définir.

DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE

L'exercice est très concret. Par exemple, pour atteindre un certain taux de couverture dans un secteur, soit 100  % des enfants scolarisés au primaire, il cherchera à déterminer combien d’écoles il faudra construire, combien d’enseignants recruter, quelle quantité de matériel pédagogique et ludique acquérir, combien de personnel administratif employer. Il fera aussi un estimation des ressources financières nécessaires pour atteindre ces objectifs de politique éducative. Plusieurs scénarios seront analysés et quantifiés en fonction de la norme et du mode de construction des écoles, du salaire moyen des enseignants, du nombre d’heures d’enseignement ou du montant des bourses d'études. 

Une variable clé, impactant l’ensemble de la chaîne, est le taux d’encadrement des élèves. Moins d’élèves par classe implique plus d’enseignants à recruter et, donc, moins de budget pour les autres dépenses. Il est essentiel de fixer un niveau de salaire assez compétitif pour attirer des enseignants de qualité, mais qui permette également de recruter un nombre suffisant d’enseignants pour avoir des taux d’encadrement acceptables sans pour autant compromettre le niveau des performances. Si cette conciliation n’a pas lieu, le système a tendance à s’autoréguler, soit par le taux d’encadrement qui devient élevé, soit par le recrutement de maîtres communautaires directement payés par les parents (pour compenser le manque d'enseignants payés par le gouvernement). Sur le long terme, les effets peuvent être extrêmement problématiques.

UN EXERCICE DE VIABILITÉ FINANCIÈRE MAIS AUSSI POLITIQUE

Dans les arbitrages sur les politiques éducatives, des questions techniques et financières sur le nombre d'établissements scolaires à construire, par exemple, se posent. Ces questions ne sont toutefois pas réservées aux seuls experts techniques. Au contraire, la dimension politique est au centre de toute décision. Si un pays avec 60  % d’achèvement du cycle primaire a pour ambition d’atteindre 100 %, et si le gouvernement s’y est engagé politiquement, 100 % devient un objectif non négociable. Une solution sera alors de différer la réalisation de l’objectif et de le fixer à un horizon compatible avec les ressources disponibles, mais l’objectif politique est toujours du ressort du gouvernement. 

Le pays choisit librement son modèle et valide son propre scénario pour atteindre les résultats de la future politique éducative. C’est le gouvernement qui engage sa crédibilité sur les hypothèses retenues, et le réalisme des objectifs politiques permettra de juger la viabilité du modèle.

Une première version de cet article a paru dans PôleMag, le magazine du Pôle de Dakar

 

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