En Éthiopie, l'éducation ne connaît pas de frontières

Assurer l’éducation dans les situations d’urgence, c’est permettre aux jeunes qui fuient une catastrophe ou un conflit d'accéder à une éducation de qualité, où qu’ils se réfugient. Leonora MacEwen et Alexandra Waldhorn discutent de ces enjeux dans la Lettre de l'IIPE.

Fuir sa maison, son école et son environnement familier est la réalité des réfugiés et des personnes déplacées. Parvenus dans un nouvel endroit, ils ont parfois accès à l’école dans un camp ou à des possibilités d’éducation informelle. L’intégration pleine et entière au sein du système scolaire national est plus rare. Bien que cette dernière soit une voie prometteuse pour s’intégrer dans un nouveau pays, les responsables de l’éducation se disent souvent confrontés à d’innombrables difficultés pour assurer l’éducation des réfugiés au sein des systèmes nationaux.

L’Éthiopie est un cas exemplaire de pays ayant pris de sérieuses mesures pour intégrer les réfugiés et les personnes déplacées dans ses systèmes nationaux, notamment son système éducatif. Il faut dire que l’Éthiopie a une longue tradition d’accueil des réfugiés. Plus de 900 000 personnes originaires de 24 pays – principalement l’Érythrée, la Somalie et le Soudan du Sud – considèrent aujourd’hui l’Éthiopie comme leur pays.

Améliorer la situation des réfugiés

En novembre 2017, elle a été l’un des premiers pays à mettre en place le Cadre d’action global pour les réfugiés. Ce cadre vise à renforcer l’autonomie des réfugiés et leur inclusion dans les plans de développement nationaux, à leur donner davantage de possibilités d’améliorer leur existence et à réduire la pression sur les pays d’accueil afin de favoriser une coexistence pacifique.

L’accès à une éducation de qualité est un axe majeur des efforts du pays pour améliorer le sort des réfugiés. C’est aussi une responsabilité partagée, qui requiert la contribution et l’expertise d’une multitude d’acteurs, parmi lesquels le ministère de l’Éducation ainsi que les partenaires de l’action humanitaire et du développement.

« Nous devons nous impliquer en tant que nation », a déclaré Getachew Admasu Bishaw, expert en suivi et évaluation de projets pour le ministère de l’Éducation, lors d’un atelier organisé en mars 2018 à Nairobi (Kenya) par l’IIPE en partenariat avec l’UNESCO, le HCR, l’UNICEF et le Global Education Cluster. « Ce cadre d’action est cohérent avec les Objectifs de développement durable. C’est pour cette raison que notre ministère – notre pays – a signé cet engagement. »

Ashenafi Demeke Kebede, responsable de l’éducation au sein de l’Administration en charge des réfugiés et des rapatriés (ARRA), a déclaré à l’IIPE que l’inclusion des réfugiés d’âge scolaire dans le plan national d’éducation présentait de nombreux avantages pour tous les apprenants.
Outre le fait que cette inclusion est rentable, « s’il existe un plan global d’inclusion des réfugiés, tout le monde est impliqué, cela renforce la cohésion et l’harmonisation sociales, explique-t-il.  C’est une solution durable. Cela crée une passerelle, l’aide humanitaire devient soutenable et peut avoir un impact sur le développement à long terme. »

Cependant, la multiplicité des entités travaillant dans le domaine de l’éducation peut, en l’absence de coordination étroite, avoir pour effet de créer ce qu’Ashenafi Demeke Kebede appelle une « planification parallèle », ou planification distincte, pour différents segments de la population. C’est un phénomène courant dans beaucoup de pays qui accueillent un grand nombre de réfugiés.

Le risque, dans ce cas, est que l’éducation des réfugiés ne soit pas une priorité. Et il existe un risque encore plus grand qu’ils restent en dehors du système scolaire formel. Dans son rapport 2017 Working towards inclusion: Refugees within the national systems of Ethiopia, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) note que si les enfants et les jeunes réfugiés en Éthiopie ont le droit d’accéder aux écoles publiques, 48 % restent en dehors du système scolaire formel.

Une planification conjointe pour un impact plus fort

La planification conjointe du secteur de l’éducation est un bon moyen d’avancer, de même qu’une meilleure coordination entre tous les partenaires. Elle contribue à une mise en œuvre efficace de services éducatifs pour les réfugiés et pose les bases d’un fonctionnement équitable de l’éducation dans les camps de réfugiés comme au sein des communautés d’accueil.

Depuis juillet 2017, en partenariat  avec l’UNICEF Ethiopie et financé par UK Aid Direct,  l’IIPE accompagne l’État dans sa démarche de planification conjointe avec les réfugiés et les communautés d’accueil.  Ce projet sur deux ans devrait renforcer les capacités du ministère de l’Éducation comme de l’ARRA à anticiper les crises et les afflux de réfugiés dans cinq régions touchées par ces mouvements migratoires (Gambella, Tigray, Benishangul-Gumuz, Somali et Afar). L’initiative de renforcement des capacités des responsables de l’éducation au sein des communautés d’accueil et de réfugiés couvre notamment la collecte de données sur les risques de conflits ou de catastrophes naturelles auxquels les écoles doivent faire face. Les planificateurs disposeront d’outils de sectorisation scolaire pour analyser les indicateurs clés. En outre, une assistance sera fournie pour enrichir les outils d’inspection de questions relatives aux crises et aider les responsables à déterminer les priorités stratégiques ainsi qu’à prendre en compte les résultats de l’analyse.

En réunissant tous les acteurs clés de l’éducation autour de ces processus de planification conjointe, l’idée est de renforcer la coordination et la collaboration entre les services éducatifs à destination des réfugiés et des communautés d’accueil.

Lors du récent atelier organisé à Nairobi, Mellese Bedanie Turie, coordinateur de l’Education Cluster, au sein de l’UNICEF Éthiopie, a lui aussi insisté sur l’importance d’une politique ou réglementation nationale ainsi que d’une coordination et d’une planification conjointes. « Nous devons travailler ensemble. Nous devons trouver les moyens d’améliorer de façon cohérente et conjointe la politique, la planification, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de l’éducation à destination de ces groupes cibles, a-t-il déclaré. Avec une politique claire et un plan, nous savons ce qu’il faut faire, pourquoi et comment, et aucun enfant ne sera laissé à l’écart. » 

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