L'enseignement supérieur en Finlande : pour ne laisser personne à la marge

30 Octobre 2020

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Aerial view of the brand new Aalto university campus, in Espoo, Finland.
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Aerial view of the brand new Aalto university campus, in Espoo, Finland.
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Aerial view of the brand new Aalto university campus, in Espoo, Finland.

Un nouveau rapport, publié par le Centre d'évaluation de l'éducation de la Finlande, dresse un tableau complet du parcours des étudiants pour entrer, suivre et sortir de l'enseignement supérieur avec plus de facilité et de possibilités. Dans le cadre du projet de recherche mondial de l'IIPE-UNESCO "ODD 4 : planification de parcours d'apprentissage flexibles dans l'enseignement supérieur", le rapport propose des recommandations politiques fondées sur des données probantes au ministère de l'Education et de la Culture et aux établissements d'enseignement supérieur. Celles-ci visent à améliorer l'expérience d'apprentissage de tous les étudiants et à combler les écarts en matière d'équité. 

La volonté de ne laisser personne à la marge est au cœur du système d'enseignement supérieur finlandais. Avec 13 universités publiques et 22 universités de sciences appliquées, entre autres, l'enseignement supérieur s'efforce d'offrir des chances égales à tous les citoyens, indépendamment de leur sexe, de leur origine socio-économique ou de leur situation géographique. Pour soutenir cet engagement - et renforcer l'équité - les parcours d'apprentissage flexibles ont émergé comme une orientation politique clé pour le secteur. 

Nous nous sommes entretenus avec Sirpa Moitus, l'un des auteurs du rapport, conseiller en évaluation au Centre finlandais d'évaluation de l'éducation, au sujet de la multitude d'avantages qui en découlent pour les établissements et les étudiants. 

Y entrer

Chaque année, quelque 150 000 candidats se disputent 50 000 places dans l'enseignement supérieur, qui est gratuit pour tous les étudiants finlandais et les citoyens de l'Union européenne et de l'Espace économique européen. S'il doit y avoir suffisamment de places pour tous les candidats qui vont à l'université pour la première fois, ces derniers sont également en concurrence avec ceux qui passent un second diplôme, ou les candidats qui ont des demandes multiples, en particulier dans des domaines compétitifs comme la médecine et le droit. Par conséquent, deux tiers des candidats se retrouvent sans affectation chaque année. En réponse à ce défi complexe, les parcours d'apprentissage flexibles commencent à ouvrir de nouvelles perspectives dans le monde de l'enseignement supérieur. 

"En raison de mes faibles notes au lycée, je pensais que je n'étais pas assez bon pour les études supérieures. Mais, lorsque j'ai commencé les cours de l'Université Ouverte, j'ai travaillé dur et j'ai pu y arriver. Et, maintenant que je suis un doctorant, cela m'a ouvert un tout nouveau monde. Cela a changé mon monde". - Un ancien élève de l'Université Ouverte cité lors d'un groupe de discussion pour le rapport.

Un point d'entrée alternatif est la filière d'études ouverte, qui a admis 2 000 étudiants en 2019. Ouverte à tous, elle permet aux étudiants de suivre des cours dans n'importe quel établissement d'enseignement supérieur, tous les soirs ou en ligne. "Cela peut constituer une sorte de seconde chance pour les candidats qui n'ont pas réussi à entrer par la procédure d'admission normale ou pour les adultes qui souhaitent entrer dans l'enseignement supérieur à un stade ultérieur de leur vie", explique M. Moitus. Bien que la filière d'études ouverte ne conduise pas à un diplôme en soi, un certain nombre de crédits d'études ouvertes (entre 15 et 60) peuvent favoriser les inscriptions. Pour certains étudiants, cette filière peut être " valorisante " et "changer leur vie ". 

Le développement des filières de transfert pourrait également contribuer à réduire la demande de places d'études, selon l'étude - car ceux qui souhaitent changer de faculté pourraient le faire sans entrer en concurrence avec les nouveaux candidats. Enfin, la multiplication des cours ouverts en ligne (MOOC) est une autre voie, qui peut contribuer à donner un nouvel avantage aux candidats car elle peut compter comme une expérience préalable pertinente. 

Y évoluer

La flexibilité des parcours d'apprentissage favorise un plus grand choix d'études - et de manières d'étudier. En plus de pouvoir suivre plus de cours à option, les étudiants en Finlande peuvent bénéficier d'accords entre les établissements d'enseignement supérieur, pour suivre des cours dans d'autres disciplines ou sur d'autres campus. "Cela signifie que les diplômes deviennent de plus en plus multidisciplinaires et moins étroits, et que les étudiants peuvent tirer davantage profit des différents domaines, en augmentant leurs aptitudes et leurs compétences", explique M. Moitus. Le mode d'étude est également plus flexible que par le passé, avec la croissance de l'apprentissage en ligne. "L'apprentissage en ligne est de rigueur en ce moment, et c'est une très bonne chose qu'il y ait déjà eu autant de projets dans ce domaine, avant la COVID-19", dit M. Moitus. 

"Dans nos programmes, il y a beaucoup de flexibilité dans la manière dont les étudiants peuvent organiser leurs études. Nous encourageons les étudiants à prendre des cours d'autres facultés, en fonction de leur plan d'étude personnel. Nous considérons qu'il est important pour les étudiants de construire leur propre parcours jusqu'à l'obtention de leur diplôme". - Un doyen de faculté de l'université cité dans une interview pour le rapport. 

La reconnaissance des acquis est un autre avantage majeur des parcours d'apprentissage flexibles. C'est particulièrement important pour les étudiants issus de l'immigration, un groupe minoritaire qui ne bénéficie pas actuellement de parcours d'apprentissage flexibles autant que les autres groupes d'étudiants. Selon le rapport, un quart des candidats immigrés ont déjà un diplôme, mais beaucoup d'entre eux ont rencontré des difficultés pour le faire reconnaître pleinement. "La notion d'équité est très présente dans les parcours d'apprentissage flexibles et le soutien spécifique ciblé pour les étudiants tout au long de leurs études. C'est en partie pourquoi nous proposons que la flexibilité et l'équité soient considérées ensemble", déclare M. Moitus. 

En sortir

Il y a une forte demande pour combiner travail et études. "L'idée d'intégrer l'apprentissage en milieu professionnel dans l'enseignement supérieur est vraiment en train de faire son chemin, et elle peut améliorer les perspectives de carrière et les possibilités d'emploi", déclare M. Moitus. Depuis 2017, les institutions finlandaises développent un nouveau modèle - la "studification" du travail - qui aide les étudiants à obtenir des crédits pour leur diplôme grâce à leur expérience professionnelle. Le fait de favoriser les liens entre les étudiants de l'enseignement supérieur et le monde du travail peut également constituer un soutien aux étudiants sous-représentés, comme ceux issus de l'immigration, et contribuer à créer un sentiment d'inclusion. 

"Dans mon université, nous avons réalisé un exercice de cartographie des besoins en compétences dans deux ou trois domaines, afin de déterminer les aptitudes et les compétences nécessaires...S'il existe des besoins immédiats en matière de compétences, nous pouvons modifier notre offre d'apprentissage continu en fonction de cela". - Direction de l'université, interview tirée du rapport.  

Parcours d'apprentissage flexibles : "une cible en mouvement" 

Les parcours d'apprentissage flexibles remodèlent la façon dont les étudiants étudient, le lieu et le moment où ils le font. En Finlande, ce phénomène a pris de l'ampleur au cours de la dernière décennie. Mais ses racines vont beaucoup plus loin, selon le rapport, car il est en résonance profonde avec l'engagement du pays en faveur de l'égalité pour tous. Afin d'aborder davantage les questions d'équité et d'accessibilité, un certain nombre de recommandations importantes pour assouplir les parcours d'apprentissage sont formulées. Définir au niveau national ce que sont les parcours d'apprentissage flexibles, consolider les liens entre les politiques d'apprentissage flexible et d'équité, développer la supervision au niveau institutionnel pour aider les étudiants à définir le parcours qui correspond le mieux à leurs intérêts, voici l'évolution en cours dans le secteur de l'enseignement supérieur en Finlande. 

"La Finlande est un excellent exemple de modèle de financement de l'enseignement supérieur pouvant soutenir des parcours d'apprentissage flexibles. De nombreux projets gouvernementaux ont financé des établissements d'enseignement supérieur pour qu'ils collaborent à des initiatives communes d'apprentissage en ligne, à des études croisées, à des études ouvertes et à des parcours de travail et d'études. Plutôt que de se faire concurrence, les établissements ont été incités à collaborer". Michaela Martin, spécialiste de programme à l'IIPE-UNESCO.

Quant aux prochaines étapes, M. Moitus indique que le rapport a été soumis au gouvernement pour contribuer aux discussions politiques actuelles sur l'équité, notament la rédaction du plan national d'accessibilité à l'enseignement supérieur pour 2020. Le rapport constitue également une ressource pour les discussions politiques sur l'enseignement supérieur et pour la rédaction du rapport sur la politique d'éducation du gouvernement 2020 destiné au Parlement. Le rapport contribuera aussi au dialogue mondial sur l'évolution des parcours d'apprentissage flexibles, puisque le projet IIPE-UNESCO comprend des recherches menées au Chili, au Royaume-Uni, en Inde, en Jamaïque, en Malaisie, au Maroc et en Afrique du Sud.