Leadership : des ministères de l’Éducation solides au cœur de la résilience

03 Mars 2022

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© UNICEF /Frank Dejongh
Des enfants dans une école coranique traditionnelle, à Dori, dans le nord du Burkina Faso.

Risques naturels, conflits, migrations et déplacements… Pour de nombreux pays, la pandémie de COVID-19 a aggravé des crises existantes, exacerbé les inégalités et mis une pression supplémentaire sur des systèmes éducatifs déjà fragilisés. Sur le front de l'éducation, les ministères de l'Éducation sont les premiers à porter la responsabilité du maintien de l'offre éducative et de la continuité des enseignements et des apprentissages. Ils doivent donc jouer un rôle de premier plan dans la préparation aux crises. Quels sont les obstacles au leadership d’un ministère de l'Éducation en période de crise - et quels facteurs peuvent le renforcer ? L'IIPE-UNESCO a exploré ces questions dans un projet de recherche – et discuté du sujet avec des spécialistes de la planification de l’éducation et des décideurs politiques.

Renforcer les capacités des ministères à diriger

Depuis près de vingt ans, l’IIPE apporte un soutien au renforcement des capacités et des compétences en planification, pour permettre aux pays de mieux se préparer, prévenir et répondre aux crises qui touchent l'éducation. Toutefois, peu de recherches avaient été menées jusque-là sur le rôle spécifique des administrations éducatives pour conduire la gestion de crise, en particulier celui des ministères de l’Éducation et de leurs structures déconcentrées. Quels facteurs favorisent ou limitent leur engagement et leur leadership ? Ces questions sont au cœur d’un projet de l’IIPE initié en 2019, juste avant que le COVID-19 n’arrive dans notre vocabulaire commun.

“Au cœur des systèmes éducatifs les plus résilients se trouvent des ministères de l'éducation solides, capables de préparer et de manœuvrer des réponses aux crises à l’échelle du secteur tout entier. Et ce, en apportant des réponses alignées aussi bien sur les priorités de long terme pour la reprise et le développement que sur l’aide humanitaire à plus court terme,”
Leonora MacEwen, Spécialiste de programme à l’IIPE et experte en planification adaptée aux crises

Ce projet comprend trois études de cas nationales. Elles abordent le thème du leadership à travers le prisme de différentes crises :

  • Au Burkina Faso, le projet explore la manière de travailler du ministère de l’Éducation pour préparer les crises et atténuer les impacts de l'insécurité permanente, aggravés par la pandémie.
  • En Jordanie, l’étude de cas examine la réponse du ministère de l’Éducation à la crise des réfugiés syriens, et notamment les efforts déployés pour intégrer l'éducation des réfugiés dans les plans nationaux.
  • Au Kenya, le projet analyse les processus et les décisions du ministère de l’Éducation en réponse au COVID-19.

Pour ce faire, chacune des études de cas a scruté un certain nombre de domaines, parmi lesquels les politiques éducatives, les infrastructures, les capacités institutionnelles et techniques, la gestion des enseignants ou encore la question de la coordination. Elles formulent des recommandations ciblées pour chaque pays, fondées sur les résultats de recherche.

“Mieux comprendre les conditions qui rendent possible et favorisent le leadership et l'engagement d’un ministère dans la gestion des crises permet aux administrations éducatives et à leurs partenaires d’améliorer l'efficacité et la pérennité de leurs actions, conduisant, en fin de compte, à des systèmes éducatifs plus résilients.”
Anna Seeger, Spécialiste de programme à l’IIPE et experte en planification adaptée aux crises.

Qu’entend-on par leadership, au juste ?

Dans le secteur éducatif, le leadership est un concept complexe, et parfois flou. Dans le premier épisode (script complet ici) de PlanED, le nouveau podcast de l'IIPE, nos spécialistes ont invité des experts du Centre for Comparative and International Research in Education (CIRE). Ensemble, ils tentent de décrypter le concept de leadership et d’en tirer des leçons clés pour celles et ceux qui décident et planifient l’éducation en temps de crise.

 

Des enseignements clés au Burkina Faso, en Jordanie et au Kenya

Un environnement politique favorable, doublé d’une volonté politique et d’un alignement entre les politiques internationales et nationales, permet une réponse efficace aux crises.

La crise en Syrie a conduit au déplacement de six millions de personnes depuis 2011. La Jordanie est le troisième plus grand pays d'accueil des réfugiés syriens, parmi lesquels plus de 212 000 enfants en âge d’aller à l’école, selon les données de 2018.

L'alignement entre les engagements nationaux en faveur de l'inclusion des réfugiés et l'ODD 4 a entraîné un soutien substantiel des acteurs internationaux en Jordanie. Cependant, "lorsque les réfugiés ont commencé à arriver, notre recherche montre que la question des capacités techniques et institutionnelles a clairement été le facteur le plus important permettant au ministère de l'Éducation de manoeuvrer la crise tout en s'efforçant de maintenir d'importantes initiatives de réforme”, explique Anna Seeger, spécialiste de programme à l'IIPE et co-autrice du rapport sur la Jordanie.

En savoir plus sur le leadership du ministère en Jordanie [en anglais]

L’intégration systématique de la gestion des risques dans les plans stratégiques d’éducation, les processus de planification et les outils est un prérequis clé au leadership des ministères en temps de crise

Chaque année au Kenya, la sécheresse affecte environ 250 000 enfants en âge d’aller à l’école et 8 000 enseignantes et enseignants. Au cours des dix dernières années, le ministère de l'Éducation a pris d’importantes mesures pour intégrer l'éducation en situation d'urgence dans ses plans et politiques – et pour renforcer ses capacités en matière de gestion de crise. Ces efforts ont permis, dans une certaine mesure, d'accélérer la riposte à la pandémie de COVID-19, notamment car une partie du personnel était déjà familiarisée avec les approches et les outils utilisés.

Néanmoins, ce travail était encore en cours lorsque la crise sanitaire est survenue. Début 2020, la Politique de gestion des catastrophes éducatives de 2017 n'avait été diffusée que dans neuf comtés kényans sur 47, par exemple. La recherche de l’IIPE montre en outre que les mécanismes de gestion de crise étaient considérés en interne soit comme inadéquats, soit non directement pertinents pour faire face à l'ampleur et aux impacts systémiques de la pandémie.

En savoir plus sur le leadership du ministère au Kenya [en anglais]

Le leadership des ministères repose sur un solide système d’information et une collecte robuste des données.

Situé au cœur du Sahel, le Burkina Faso fait face depuis plusieurs décennies à une dégradation de ses conditions environnementales, menant à des risques naturels. Plus récemment, depuis 2015, l’insécurité et la violence ont conduit à une crise humanitaire sans précédent dans la région. Cette situation a entraîné d'importants déplacements de population et la fermeture de milliers d'écoles dans le pays. La pandémie de COVID-19 a fragilisé encore davantage un système éducatif déjà affaibli.

La détérioration de la situation sécuritaire a mis en évidence le besoin urgent de disposer d’informations fiables et actualisées sur la situation des établissements scolaires, des élèves et du personnel enseignant. Elles sont nécessaires pour éclairer la prise de décision en réponse aux urgences - et également pour nourrir les stratégies à moyen et long terme.

“La modernisation du système d’information de gestion de l’éducation (SIGE), en cours actuellement, va permettre de renforcer la capacité et le leadership du ministère dans le pilotage, la planification, la budgétisation et la communication en matière d’éducation en situation d’urgence”, observe Jean-Claude Ndabananiye, spécialiste de programme à l'IIPE et coauteur du rapport sur le Burkina Faso.

En savoir plus sur les résultats de recherche au Burkina Faso

Les expériences de ces trois pays soulignent la nature diverse des crises dans le monde d'aujourd'hui. Dans le même temps, l'émergence du COVID-19 a montré la nécessité d'investir davantage dans la prévention et la préparation à tous les types de crises affectant le secteur de l’éducation. Le défi est surtout d'éviter de tomber dans le cycle “paniquer puis oublier” une fois la crise maîtrisée, selon les termes de l'Organisation mondiale de la santé. Protéger l'éducation et l'apprentissage des enfants et des jeunes en temps de crise est un engagement de long terme… et cet investissement en vaut la peine.

Leadership des ministères en période de crise : nos prochains webinaires (en anglais)

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