Ouganda : comment la planification de l'éducation peut aider les enseignants des réfugiés

22 Mai 2023

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©IIEP-UNESCO/Makmende Media
Joel Vieutome Kakalage, originaire de la République démocratique du Congo, est un enseignant réfugié en Ouganda. Il a également fondé un centre de formation pour adultes où il enseigne l'anglais.

Avec plus de 1,5 million de réfugiés et de demandeurs d'asile l'Ouganda est le plus grand pays d'accueil de réfugiés en Afrique. Environ 60 % des réfugiés sont des jeunes : proposer une éducation de qualité et équitable pour tous est donc une préoccupation majeure du gouvernement. Les enseignants étant au cœur de l'éducation, l'IIPE a exploré les meilleures pratiques de gestion des enseignants auprès des réfugiés avec l'Education Development Trust et le soutien de Dubai Cares.

Lors d'un récent atelier à Kampala, en Ouganda, Candyce Billy de l'IIPE s'est entretenue avec Vick Ikobwa. Son rôle principal est d'apporter un soutien technique pour faciliter l'intégration des réfugiés dans le système national. Il se consacre également à l'amélioration de l'accès et de la qualité de l'éducation des réfugiés par le biais de partenariats entre les Nations unies, les ONG et les acteurs gouvernementaux. 

Il estime qu'il n'y a pas d'éducation sans enseignants et qu'il est impératif de relever les principaux défis, non seulement pour leur avenir, mais aussi pour celui des générations à venir. 

Candyce Billy : Pourquoi est-il essentiel de se pencher sur la gestion des enseignants en Ouganda aujourd'hui, et en particulier auprès des réfugiés ? 

Vick Ikobwa : La plupart des réfugiés en Ouganda, environ 60 %, ont entre 3 et 24 ans. Cela signifie qu'ils sont jeunes et que l'éducation est une priorité pour eux. Et lorsqu'on parle d'éducation, les enseignants jouent un rôle clé. Sans enseignants, il n'y a pas d'éducation. Par conséquent, compte tenu des problèmes budgétaires et de la diminution des fonds humanitaires destinés à l'éducation, parler de la gestion des enseignants en Ouganda est un sujet opportun et bienvenu, en particulier dans les contextes de réfugiés. 

Candyce Billy : Quels sont les principaux défis auxquels les enseignants sont confrontés dans les camps de réfugiés, en particulier en termes de recrutement ? 

Vick Ikobwa : Dans l'ensemble, le budget est insuffisant pour affecter suffisamment d'enseignants et respecter le ratio national d'un enseignant pour 53 élèves pour offrir une éducation de qualité. Dans les camps de réfugiés, le ratio moyen actuel est d'un enseignant pour 72 élèves. La situation est pire dans certains camps, et meilleure dans d'autres. Mais c'est le tableau général. Nous ne pouvons pas recruter suffisamment d'enseignants, surtout au vu de l'afflux d'enfants réfugiés en âge d'être scolarisés dans le pays. 

En outre, en raison de la diminution du financement humanitaire, nous n'engageons pas les enseignants sur des contrats à long terme. Au lieu de cela, la plupart des enseignants sont recrutés sur des contrats à court terme d'un an. Mais nous voulons faire passer ces coûts récurrents d'un financement humanitaire à un financement de développement à plus long terme, sur plusieurs années. C’est le "comment" que nous voulons débloquer ici. 

Enfin, certains enseignants réfugiés sont qualifiés mais ne disposent pas des documents nécessaires pour enseigner en Ouganda.

Le gouvernement a mis en place des mécanismes pour aider les réfugiés à obtenir l'équivalence de leurs qualifications. Mais la plupart d'entre eux ne connaissent pas ces mécanismes, ou ne sont pas en mesure d'y accéder en raison des difficultés liées à la reconnaissance des acquis obtenus dans des pays où la langue d'enseignement ou le système éducatif est différent. Nous devons donc travailler avec le gouvernement pour veiller à ce que ces enseignants réfugiés obtiennent leurs équivalences afin de pouvoir enseigner en Ouganda. 

Candyce Billy : Quelles sont les solutions émergentes que vous voyez ?

Vick Ikobwa : Les enseignants sont une ressource clé, mais, comme nous l'avons déjà expliqué, la plupart des enseignants auprès des réfugiés, qu'ils soient nationaux ou réfugiés, sont recrutés sur la base de contrats d'un an, ce qui entraîne un taux de rotation élevé. L'une des solutions proposées est de s’assurer que les salaires des enseignants payés par les partenaires de développement soient alignés sur les barèmes du gouvernement. Pour cela, nous devons explorer les moyens d’acheminer ces fonds à travers les systèmes gouvernementaux, par exemple à travers les gouvernements locaux de districts. L'emploi d'enseignants par l'intermédiaire des administrations locales de districts est plus durable. Cela demande que le gouvernement bénéficie d’un soutien financier continu et pluriannuel de la part des bailleurs de fonds. Et, comme je l'ai mentionné, pour attirer ces financements pluriannuels, il est bien sûr essentiel d’établir une connexion entre l'humanitaire et le développement . Il ne s’agit pas de transférer les budgets, mais plutôt de partager les responsabilités et soutenir le gouvernement pour qu'il puisse réaliser cette vision à long terme.

 

Vick Ikobwa est spécialiste de l'éducation pour le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés en Ouganda.

Il est chargé d'assurer la liaison avec le gouvernement, les Nations unies, les organisations non gouvernementales et d'autres interlocuteurs dans le domaine de l'éducation, en tenant compte du fossé entre l'humanitaire et le développement, et en facilitant l'intégration des réfugiés et des communautés d'accueil dans le système éducatif national et dans les mécanismes de coordination sectorielle dirigés par le gouvernement.