Plans éducatifs : de la parole aux actes

   Par Anton De Grauwe

 

Les objectifs des plans éducatifs sont multiples : ils réunissent diverses parties prenantes autour d’une vision commune ; ils permettent d’assurer que cette vision est réalisable en recensant avec minutie les stratégies les plus utiles et les plus pratiques et en établissant des estimations solides du coût et du financement desdits plans ; en outre, ils sont les outils de mobilisation des ressources humaines et financières nécessaires à l’amélioration du système éducatif.

Mais la simple existence d’un plan ne suffit pas. Lorsque les plans sont bien conçus mais qu’ils ne se concrétisent pas, c’est la vision tout entière qui est menacée. Des plans trop ambitieux posent certes des difficultés, mais  le véritable problème est que, souvent, une fois le plan finalisé par écrit, les ministères de l’Éducation et leurs partenaires estiment que leur travail terminé, et ne se préoccupent guère de le mettre en œuvre. Dans ce cas de figure, le plan tombe vite dans l’oubli et l’enthousiasme initial qui avait présidé à sa création se transforme parfois en déception, voire en cynisme quant à la valeur d’un plan quel qu’il soit.

Dans l’ensemble, il est plus difficile d’exécuter un plan que de l’élaborer. La conception exige certes une palette de compétences techniques, ainsi qu’une intelligence stratégique et politique, mais ce travail peut être entrepris par un petit groupe d’experts rassemblés au même endroit, qui souvent partagent les mêmes valeurs. En revanche, passer de la parole aux actes est une autre affaire : la mise en œuvre repose sur un nombre bien plus important de personnes, travaillant à différents niveaux et dont les avis et intérêts peuvent varier, voire totalement diverger.  Cette phase se heurte bien vite aux contraintes d’une réalité inflexible : budgets limités, capacités institutionnelles insuffisantes, force de l’habitude, et lenteur inévitable des instances bureaucratiques.

Un ministère de l’Éducation, et a fortiori un partenaire extérieur, ne peuvent garantir la réussite de la mise en œuvre d’un plan, mais ils ont la possibilité et le devoir d’élaborer des stratégies qui la facilitent.

La faisabilité du plan lui-même est bien sûr primordiale. Un plan doit prendre en considération tous les risques et les contraintes financières, techniques et institutionnelles, auxquels il pourrait être confronté durant sa mise en œuvre. Ceux qui joueront un rôle crucial dans la concrétisation du plan devraient être présents pendant sa phase de conception, ce qui dote le plan de bases pertinentes et permet aux acteurs de mieux se l’approprier par la suite. 

Pendant la phase d’exécution du plan, le rôle du ministère évolue ; il est désormais chargé du suivi et de l’évaluation (M&E). Le M&E a pour objectif final d’indiquer comment améliorer le contenu et la mise en œuvre de ce plan. Un cadre efficace de M&E va au-delà de l’habituel compte rendu administratif ; il cherche à comprendre quels enseignements peuvent être tirés. Il convient cependant de veiller à ce qu’il ne devienne pas bureaucratique et exigeant au point que trop de temps soit consacré aux rapports et aux réunions d’évaluation et que le personnel ploie sous la charge de travail.

Le lien entre plan et budget, notamment par la préparation de cadres de dépenses à moyen terme et de plans d’exploitation, est essentiel à la prévisibilité financière nécessaire pour concrétiser le plan.

Cependant, l’obstacle majeur à la mise en œuvre du plan n’est pas tant la rareté des ressources financières que les faibles capacités de l’administration éducative. Remédier à ces faiblesses demande une analyse approfondie de leurs causes et l’élaboration fondée de stratégies adéquates. C’est une pratique que l’IIPE rend systématique dans chaque analyse sectorielle de l’éducation, et qui précède ou accompagne la conception du plan.

L’une des difficultés, en termes de capacités, est liée à l’absence d’expertise technique des bureaux locaux, pourtant essentiels à la réussite du plan. Renforcer cette expertise locale, notamment en soutenant les prestataires de formation nationaux, est crucial et utile, surtout dans les pays en cours de décentralisation.

La combinaison de ces différentes stratégies permettra d’assurer autour du plan éducatif la mobilisation non seulement du personnel du ministère central et de ses partenaires proches, mais aussi de la communauté responsable de l’éducation dans son ensemble. Un plan éducatif ne se réduit pas à un document joliment présenté, joyau des services de planification, mais constitue un véritable outil de changement qui guidera toute l’action, du ministère central jusqu’aux salles de classe.

 

 

 

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