Pour des administrations de l’éducation plus efficaces

    Par Anna Seeger

 

Des analyses institutionnelles aident les ministères à gérer contraintes de capacité administrative

Au Bénin, moins d’un tiers des fonctionnaires de niveau intermédiaire et supérieur du ministère de l’Éducation ont le profil technique requis pour exercer leurs fonctions. Beaucoup sont d’anciens enseignants ou chargés de cours affectés ou nommés au ministère pour des raisons de santé. Selon une étude de 2007, ce décalage entre les profils et les compétences recherchées explique que ces cadres manquent souvent d’autorité sur leurs équipes, une situation qui contribue à l’apparition de structures hiérarchiques officieuses et parallèles.

Dans de nombreux pays, ministères de l’Éducation et autres autorités chargées d’administrer la délivrance des services d’éducation connaissent les mêmes problèmes de compétences – une réalité qui peut rejaillir sur l’ensemble du secteur de l’éducation et contrarier la réalisation des objectifs fixés.

L’IIPE aide les ministères de l’Éducation à élaborer des plans de renforcement des capacités qui prévoient des mesures stratégiques pour remédier aux faiblesses de l’administration de l’éducation. Ce type de travail repose sur une « analyse institutionnelle », qui examine les contraintes de compétences dans les services chargés d’administrer l’éducation au moment de concevoir et de mettre en œuvre les politiques, plans et programmes d’éducation, et permet d’avoir une compréhension commune des enjeux. En conséquence, cela aide les ministères de l’Éducation et leurs partenaires à développer des stratégies et des plans d’Éducation faisables et plus réalistes.

Une vision plus large 

Dans l’idéal, une analyse institutionnelle doit s’inscrire dans un processus plus large de planification sectorielle à l’instar de la préparation d’une analyse du secteur de l’éducation. Elle repose sur un cadre méthodologique de renforcement des capacités qui apprécie l’aptitude des services administratifs de l’éducation à atteindre leurs objectifs, en identifiant des difficultés potentielles liées aux items suivants :

  • Profil du personnel chargé de la planification de l’éducation à l’échelon central et local ;
  • Mandat, structure et gestion interne des unités organisationnelles (le service de la planification du ministère de l’Éducation, par exemple) ;
  • Gestion de la fonction publique ;
  • Qualité des relations interministérielles et entre ministères de l’Éducation et partenaires extérieurs, y compris les syndicats d’enseignants, les organisations humanitaires et de développement et les groupes de la société civile.

Différentes sources d’information permettent de résoudre les problèmes ainsi détectés, qui sont liés à un ou plusieurs de ces items.

Comment sont identifiées les contraintes?

Une revue documentaire donne un aperçu de la structure ainsi que des cadres juridique et réglementaire d’un système d’éducation. Des entretiens semi-structurés individuels ou avec des groupes de discussion, éclairent la manière dont le personnel de l’éducation perçoit les problèmes, ses méthodes d’adaptation à la réalité professionnelle ou le décalage éventuel entre, d’une part, les pratiques de planification et de gestion et, d’autre part, les lois et règlements en vigueur. Une enquête auprès de planificateurs et d’administrateurs de l’éducation est l’occasion de réunir des éléments sur le contexte professionnel, les compétences, les besoins et le vécu du personnel de l’éducation. Mises bout à bout, ces informations révèlent l’origine des contraintes de compétences et dressent un tableau plus exhaustif des forces et des faiblesses en présence.

Une telle analyse peut ainsi établir le manque de coordination et de communication entre les responsables de l’éducation de district et le personnel du ministère – une situation qui peut refléter différentes réalités, comme des relations conflictuelles entre les échelons locaux et centraux, des mandats qui se chevauchent, l’absence d’incitations pour le personnel qualifié, le non-aboutissement des réformes de décentralisation qui ont donné plus de responsabilités aux autorités locales sans pour autant leur fournir des moyens financiers adaptés, etc. Cette forme d’analyse consacre beaucoup de temps à montrer comment ces dysfonctionnements sont liés aux quatre niveaux de développement des capacités. Mais cela ne doit pas faire oublier qu’il est tout aussi important pour les administrations en charge de l’éducation, de comprendre et d’internaliser leurs propres atouts et points forts.

Identifier les forces, pas uniquement les faiblesses 

À Madagascar par exemple, un petit groupe de planificateurs de l’éducation de haut niveau à la retraite, rattachés au ministère central, consacre actuellement un nombre incalculable d’heures à assurer la formation sur le tas de jeunes fonctionnaires. Une analyse institutionnelle réalisée en 2017 a montré que, au regard des contraintes budgétaires pour assurer une formation officielle, cette initiative était vitale pour veiller au renforcement et à la préservation du savoir institutionnel et des compétences en planification.

Les stratégies de développement des capacités qui cherchent à conforter les compétences existantes doivent comprendre comment les individus se comportent au sein d’une institution, comment ils prennent leurs décisions en fonction des incitations et comment ils peuvent infléchir les règles qui structurent leur travail, pour les améliorer. De par leur professionnalisme et leur confiance invétérée dans le changement positif, les planificateurs du groupe de Madagascar suscitent un immense respect chez leurs collègues. Pour les fonctionnaires, c’est là une incitation importante à bien travailler et à offrir, le cas échéant, une aide bienvenue. L’analyse institutionnelle a réuni de précieux éléments à cet égard.

Mettre à profit les analyses institutionnelles

Au moment d’achever l’analyse, les responsables de l’éducation et leurs partenaires sectoriels doivent se rencontrer pour combler les éventuelles lacunes et permettre à toutes les parties prenantes de réfléchir aux hypothèses avancées, les interpréter et en discuter. Lorsqu’ils élaborent des plans sectoriels de l’éducation, les pays peuvent s’appuyer sur les résultats de cette analyse afin d’identifier et intégrer des stratégies appropriées et de gérer ainsi les contraintes de capacités.

 

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