60 ans de planification de l’IIPE en faveur de l’égalité des genres et de l’inclusion

30 Octobre 2023

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©Curt Carnemark / World Bank

Cet article a été rédigé par la professeure Pauline Rose, directrice du Centre de recherche pour l’accès équitable et l’apprentissage (REAL). Cet article a été initialement publié sur World Education Blog.

Alors que l’Institut international de planification de l’éducation de l’UNESCO (IIPE-UNESCO) célèbre ses 60 ans, cet article met en lumière le rôle de la planification de l’éducation dans la promotion de l’égalité des genres et de l’inclusion. Le travail de l’IIPE reconnaît que l’équité dans l’éducation va au-delà de la répartition égale des opportunités et des ressources. Il s’agit de lutter activement contre les inégalités systémiques et la discrimination afin de donner les mêmes chances à tous les apprenants. 

Travailler en collaboration avec les ministères de l’Éducation et les principales parties prenantes

Un facteur important du succès de l’IIPE réside dans approche de la collaboration avec les ministères de l’Éducation, ainsi qu’avec les agences des Nations Unies et les agences internationales, telles que l’Initiative des Nations Unies pour l’éducation des filles (UNGEI), l’UNICEF, le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), le Forum des éducatrices africaines (FAWE), Plan International, et l’Union africaine. Via ces partenariats, l’IIPE cherche à comprendre pourquoi l’exclusion persiste, et soutient l’identification de solutions en plaçant l’égalité des genres, l’équité et l’inclusion dans l’éducation au cœur de la planification, des politiques, des budgets et des réformes éducatives. Le document du GPE intitulé Aller plus loin ensemble : le partenariat au service de l’égalité des genres illustre l’importance d’une telle collaboration.

Notre point de départ : le suivi des progrès dans les plans d’éducation 

Notre chapitre du manuel de l’Institut de statistique de l’UNESCO sur la mesure de l’équité dans l’éducation s’est appuyé sur le répertoire des plans d’éducation de l’IIPE pour déterminer dans quelle mesure les indicateurs de suivi des progrès pour atteindre les objectifs nationaux et mondiaux sont ventilés en fonction des différents groupes de population. Moins de la moitié des 75 plans consultés incluaient des données ventilées par sexe en ce qui concerne la participation à l’éducation. D’autres dimensions (telles que la situation géographique, la richesse, le handicap) étaient encore moins susceptibles d’être incluses. Il n’existait pratiquement pas d’indicateurs de suivi des progrès associant le genre à ces dimensions. 

De la parité à la transformation

S’il est nécessaire de suivre les progrès en matière d’accès et d’apprentissage, atteindre la parité n’est en aucun cas suffisant. Un document du GPE souligne l’importance d’une transformation du système en matière de genre dans l’accès à l’éducation, dans l’éducation et par l’éducation. Cela exige de prêter attention au rôle joué par le genre dans les expériences des garçons et des filles au sein du système éducatif, ainsi qu’au potentiel des jeunes à devenir des agents du changement par l’éducation. Il est nécessaire d’intégrer une perspective de genre sur le changement au sein des systèmes éducatifs, tout en exerçant une influence sur les normes sociales plus larges qui peuvent entraver ces progrès. Cela implique à la fois de reconnaître les dynamiques de pouvoir qui existent à tous les niveaux de la prise de décision et de la prestation de services, et de mobiliser de multiples acteurs pour s’attaquer aux causes profondes des inégalités de genre (voir figure 1). 

Figure 1 : Changement de système pour assurer l’égalité des genres dans l’accès à l’éducation, dans l’éducation et par l’éducation


Source: Partenariat mondial pour l'éducation, 2023, p.7

Un article du Centre REAL et de l’UNGEI souligne l’importance accordée au changement des systèmes et des normes. Les filles continuent d’être confrontées à des menaces plus importantes concernant leurs droits et disposent généralement de moins de ressources et d’opportunités, ce qui affecte directement leur participation pleine et égale à l’éducation (figure 2). 

Figure 2 : Les droit des filles sont davantage menacés, et elles disposent de moins de ressources et d’opportunitéss

Source : Ciampi, Rose et Ganguli Ciampi, Rose et Ganguli It’s not girls versus boys, it’s all children against gender inequality, UNGEI, avril 2022.

Les élèves font souvent face à des stéréotypes de genre dans les programmes scolaires. La prise en compte de ces stéréotypes devrait faire partie intégrante d’une éducation transformatrice en matière de genre. Une note d’apprentissage de l’UNGEI examine les données émergentes de 11 pays pour faire évoluer, par les programmes scolaires, les connaissances et les attitudes sur les stéréotypes de genre parmi les élèves, le personnel enseignant et les parents. Bien que les réformes nécessaires doivent s’adapter à chaque contexte, l’IIPE peut jouer un rôle clé en travaillant avec les gouvernements pour identifier des stratégies efficaces pour remédier à cette situation. 

Une plus grande attention à la pédagogie sensible au genre dans les salles de classe

Même lorsque les filles surmontent les obstacles qui les empêchent d’aller à l’école, les expériences d’apprentissage sont souvent profondément genrées, avec des approches qui ne tiennent pas compte voire qui exacerbent les désavantages existants, et qui sont ancrées dans les pratiques d’enseignement standard. La planification et la mise en œuvre de l’éducation doivent mettre davantage l’accent sur une pédagogie sensible au genre. Celle-ci a pour double objectif de s’attaquer aux normes sociales liées au genre, notamment à la manière dont le personnel enseignant interagit avec les filles et les garçons en classe, et d’aider à réduire les pratiques potentiellement préjudiciables - parfois inconscientes - en classe. Le modèle de pédagogie sensible au genre développé par le FAWE vise à donner au personnel enseignant les outils et la capacité à utiliser des processus et des pratiques sensibles au genre dans la salle de classe. 

Notre récente évaluation indépendante du Girls’ Education Challenge de la FCDO (Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth) a révélé que la formation du personnel enseignant a amélioré l’adoption de pédagogies tenant compte de la dimension de genre. Cette étude souligne qu’un soutien continu est essentiel pour s’assurer que le personnel enseignant ne mette pas en place des pratiques genrées ou préjudiciables à l’égalité des genres. En travaillant avec les ministères de l’Éducation, l’IIPE peut contribuer à garantir l’inclusion des stratégies visant à prévenir de tels préjugés dans la planification et la mise en œuvre. 

Lutte contre les violences basées sur le genre

La lutte contre les violences basées sur le genre doit également faire l’objet d’une plus grande attention. Comme le souligne un article du Centre REAL et de l’UNGEI, les données sur les violences basées sur le genre restent limitées et peuvent être difficiles à mesurer. Un rapport de l’UNESCO sur le décrochage scolaire des garçons constate que les données disponibles indiquent que les garçons scolarisés subissent du harcèlement physique et des châtiments corporels, en particulier ceux qui sont LGBTQI ou perçus comme tels. Les filles sont plus susceptibles d’être victimes de tentatives de rapports sexuels non consensuels dans les écoles, et cela s’aggrave en période de conflit. La peur des violences sexuelles peut amener les filles à abandonner ou à être retirées de l’école par leurs parents, et les filles qui abandonnent l’école courent un risque plus élevé de mariage forcé. Ces agressions peuvent avoir des conséquences à long terme, notamment des grossesses précoces et la stigmatisation associée aux violences sexuelles et aux viols. Les filles sont également affectées par les mutilations sexuelles féminines et par le fait qu’elles sont conditionnées à considérer la violence sexuelle comme une norme.

Soutenir la volonté politique nationale et mondiale avec des ressources adéquates

Trop souvent, les plans d’éducation plus ambitieux et transformateurs en matière de genre ne sont pas dotés de ressources suffisantes ou de la capacité technique pour assurer la mise en œuvre. Les exemples de budgétisation sensible au genre dans l’éducation sont rares, mais montrent qu’elle permet de s’assurer que les ressources sont disponibles pour soutenir la planification sensible au genre. Cela peut faire en sorte que l’ambition ne soit pas que rhétorique. Une volonté politique nationale et mondiale soutenue pour promouvoir l’égalité des genres et l’inclusion implique un engagement et des investissements à long terme. 

L’initiative « Priorité à l’égalité » est un exemple notable de soutien apporté aux gouvernements pour mettre en place une transformation en matière de genre. Sous la direction technique et la coordination de l’IIPE et de l’UNGEI, cette initiative a permis de réunir des hauts fonctionnaires des ministères de l’Éducation dans le cadre d’ateliers visant à renforcer les capacités à concevoir et mettre en œuvre des plans sectoriels d’éducation prenant en compte le genre.

Des données et des faits probants pour éclairer la planification et assurer la redevabilité

Les données de recherche sont nécessaires pour apporter aux dirigeants politiques et aux responsables de la planification des orientations en matière de politique et de réforme. L’IIPE joue un rôle important en tant que médiateur de telles données, par exemple via son Learning Portal. Comme le souligne un article publié par le Center for Global Development, il faut mener davantage de recherches dans les domaines qui empêchent la transformation en matière de genre de devenir une réalité. Les recherches menées par le Centre REAL avec la CAMFED suggèrent qu’améliorer l’éducation des filles marginalisées peut leur permettre d’être des moteurs du changement dans leurs communautés. 

L’éducation transformatrice en matière de genre exige que tout le monde travaille ensemble pour modifier les attitudes et les pratiques afin qu’aucun enfant ou jeune ne soit laissé pour compte. L’IIPE doit continuer à travailler avec ses partenaires pour placer la transformation en matière de genre au cœur de la planification de l’éducation dans les décennies à venir.

Ce article est basé sur un chapitre à venir d’une publication de l’IIPE-UNESCO qui célèbre 60 ans au service de la planification et la gestion de l’éducation dans le monde.