La technologie numérique est omniprésente. Comment peut-elle contribuer à mieux planifier les systèmes éducatifs ?

27 Juillet 2023

c_ismael_martinez_sanchez-8308_1.jpg

©Ismael Martínez Sánchez/ProFuturo

Dans le meilleur des cas, les technologies numériques peuvent contribuer à construire un avenir plus équitable et plus durable. Le rapport GEM 2023 sur la technologie et l'éducation, lancé le 26 juillet 2023, souligne également que, lorsqu'elles sont utilisées de manière responsable, les technologies numériques peuvent contribuer à libérer le pouvoir transformateur de l'éducation.

Cependant, la technologie a connu de nombreux rebondissements. Au fil des années, elle a été perçue tantôt comme une menace, tantôt comme une distraction pédagogique, mais aussi comme une panacée capable de résoudre une myriade de défis éducatifs. Aujourd'hui, la communauté éducative mondiale adopte un point de vue globalement plus nuancé et équilibré : la technologie numérique ouvre d'innombrables opportunités pour de nouveaux modèles d'apprentissage, mais elle pose aussi de sérieux défis qui doivent être relevés pour promouvoir une plus grande inclusion et une plus grande équité.

La présence de la technologie dans l'éducation est aujourd'hui inévitable. Dans un contexte post-pandémique, nous avons appris que les étudiants sont plus susceptibles d'apprendre avec la technologie qu’en son absence, en particulier dans les contextes vulnérables et d'urgence. La technologie imprègne également le monde de la planification et de la gestion, les coulisses de l'éducation, pour ainsi dire. Elle influence la conception des systèmes éducatifs et redéfinit les paramètres de fonctionnement des administrations éducatives.

« Lorsqu'elle est mise en œuvre à une échelle macro, la technologie a la capacité de produire des impacts significatifs dans les systèmes éducatifs, en offrant des outils et des solutions qui rationalisent les processus et améliorent l'efficacité des institutions. »
- Martín Benavides, Directeur de l'IIPE-UNESCO

3 façons dont la technologie peut améliorer la planification

À l'IIPE, nous travaillons avec les pays pour inclure la technologie dans la planification et la gestion de l'éducation. De l'amélioration de la collecte des données à une meilleure transparence, voici les impacts que nous constatons dans et à travers notre travail avec les ministères de l'Éducation et leurs partenaires. 

1. La technologie peut améliorer l'efficacité de la planification et de la gestion des systèmes éducatifs, en assurant une utilisation plus équitable des ressources.

Dans les pays du monde entier, les équipes techniques de l'IIPE constatent comment la technologie peut renforcer un système d'information sur la gestion de l'éducation (SIGE), la source la plus importante de données sur l'éducation. La technologie peut tout soutenir, depuis la collecte, l'intégration, le traitement et la maintenance, jusqu'à la diffusion des données et des informations pour améliorer la prise de décision, l'analyse et la formulation des politiques. Le SIGE est également essentiel pour suivre les progrès vers les objectifs éducatifs, tant au niveau national qu'international.

La technologie peut également aider à créer des projections et des modèles pour gérer l'allocation des ressources humaines et matérielles. Elle peut aider les planificateurs à identifier les lacunes dans l'accès aux ressources (par exemple, le manque d'enseignants dans les zones rurales) et à les combler efficacement, ainsi qu'à gérer le temps. Des outils tels que des calendriers scolaires spécifiques au contexte, tenant compte des variables environnementales et sociales (par exemple, les saisons des pluies et les périodes de récolte), contribuent à promouvoir l'équité.

2. La technologie peut renforcer la transparence dans le fonctionnement de l'éducation.

La technologie peut fournir un accès ouvert à des informations pertinentes sur le fonctionnement d'un système éducatif, telles que les rapports sur les performances des élèves. Elle peut contribuer à la mise en place d'un gouvernement ouvert où les parties prenantes peuvent participer à la formulation des politiques publiques et au suivi.

3. La technologie peut stimuler le développement professionnel.

Tout comme pour les enseignants, la technologie est également utilisée pour le développement professionnel des planificateurs. Les plateformes d'apprentissage en ligne et les communautés de pratique peuvent fournir des ressources qui favorisent l'apprentissage entre pairs, l'acquisition de nouvelles compétences et la diffusion des meilleures pratiques.

Ces exemples illustrent comment les outils numériques dans l'éducation vont bien au-delà du cadre des salles de classe. Ils peuvent aider les planificateurs à mieux accomplir leurs tâches de manière plus efficace, en offrant de nouvelles voies pour améliorer la qualité et l'équité de l'éducation, aujourd'hui et à l'avenir. 

Cependant, comme le souligne le rapport GEM sur la technologie et l'éducation, des objectifs et des principes clairs sont nécessaires pour garantir une utilisation de la technologie sans préjudice. Pour cela, il est essentiel de comprendre certains des principaux défis liés à l'intégration de la technologie et à son utilisation appropriée dans l'éducation aujourd'hui.

Le défi de l'accès

L'accès est souvent le premier défi auquel on pense lorsqu'il s'agit de technologie dans l'éducation. Malgré les progrès réalisés, le manque d'accès équitable à l'éducation dans de nombreuses régions du monde exacerbe les inégalités éducatives, tant au niveau individuel que systémique.

Le rapport GEM note qu'au niveau mondial, seulement 40 % des écoles primaires, 50 % des écoles secondaires inférieures et 65 % des écoles secondaires supérieures ont accès à Internet.

De plus, les écarts d'apprentissage risquent de se creuser tant que les systèmes éducatifs n'auront pas accès à l'infrastructure nécessaire, par exemple aux appareils ou à la connectivité.

Lors du COVID-19, par exemple, une situation paradoxale s'est présentée : d'une part, les technologies numériques ont aidé à atténuer les effets de l'isolement social et ont rendu possible la continuité de l'éducation. Mais en leur absence, les inégalités socio-éducatives se sont creusées.

Pour s'assurer que les technologies ne conduisent pas à de nouvelles inégalités, il est crucial de promouvoir et de revitaliser les politiques d'accès à Internet afin de garantir l'inclusion et l'égalité dans l'éducation, c'est-à-dire en plaçant les populations vulnérables au centre des politiques.

Le défi de la gestion et de la maintenance des technologies

La technologie est généralement proposée par des acteurs privés, ce qui peut compliquer les processus de gestion dans l'éducation. La diversité des fournisseurs est un facteur à prendre en compte, car le choix de la bonne technologie peut être complexe, surtout si l'on tient compte du coût, de la qualité, de l'interopérabilité et de l'adaptabilité aux besoins éducatifs spécifiques.

Un autre point faible fréquent est l'importance excessive accordée à l'acquisition d'appareils et de logiciels sans tenir suffisamment compte de leur alignement avec les objectifs et les besoins du système éducatif, ainsi qu’avec les politiques générales de transformation numérique des États.

En termes de maintenance, l'infrastructure et le soutien technique adéquates doivent être mis en place pour garantir le bon fonctionnement des solutions, car des facteurs qui peuvent sembler prosaïques, tels qu'une connectivité insuffisante ou un manque de maintenance, peuvent entraver leur utilisation efficace.

Pour surmonter ces défis liés à la gestion des technologies, il faut favoriser les espaces de dialogue avec les parties prenantes afin de parvenir à un consensus sur les avantages et les objectifs de l'intégration des technologies, établir des mécanismes solides d'évaluation, de suivi et d'apprentissage, et s'assurer de l'engagement des dirigeants institutionnels.

En outre, la création de partenariats public-privé spécifiques peut permettre une plus grande transparence dans les processus de gestion des technologies éducatives.

Le défi du développement des compétences numériques

La disponibilité de la technologie ne garantit pas nécessairement son utilisation. Tout comme l'intégration des technologies numériques va au-delà de la salle de classe, le défi du développement des compétences numériques va au-delà des étudiants et des enseignants et concerne tous les acteurs impliqués dans le domaine éducatif. Les familles, les gestionnaires et les personnes en charge des décisions politiques doivent être inclus dans ce schéma afin de garantir que tous les acteurs puissent contribuer efficacement à l'utilisation de la technologie dans le contexte éducatif et promouvoir une culture numérique dans l’ensemble de la société.

Quelle est la suite ?

Concentrons-nous sur l'Amérique latine et les Caraïbes où, malgré plus de deux décennies d'intégration de divers types de politiques numériques, une profonde crise de l'apprentissage persiste. S'appuyant sur son Forum régional des politiques éducatives, l'IIPE a formulé un certain nombre de recommandations pour mieux exploiter l'utilisation de la technologie dans la planification et la gestion, dans une optique d'équité.

Premièrement, des ressources suffisantes sont indispensables pour financer les changements dans l'éducation. Pour disposer d'un système éducatif public solide, capable de combler les écarts et d'offrir à chacun un minimum de possibilités d'apprentissage, il faut investir en permanence. Mais certains pays n'y parviennent pas, soit entièrement, soit partiellement, souvent en raison d'un manque de coordination ou de volonté politique.

Deuxièmement, il est essentiel de favoriser la coordination intersectorielle entre les ministères de l'Éducation et les autres secteurs gouvernementaux. De nombreux problèmes d'apprentissage, en particulier ceux liés à des conditions d'extrême pauvreté, de violence ou de marginalisation, ne peuvent être résolus par les seules politiques éducatives. 

Troisièmement, il doit y avoir un dialogue entre le gouvernement et la société dans son ensemble. Plus les décisions en matière de politique éducative sont éloignées des multiples acteurs du système, moins elles seront durables.

Enfin, pour éviter que les politiques ne soient déformées ou diluées lorsqu'elles atteignent les écoles, il convient d'améliorer l'articulation entre l'élaboration des politiques au niveau central et au niveau des districts. Cela permettra de relier les points de la chaîne de transmission, rendant l’utilisation des technologies numériques plus fluide pour tous et toutes.